Enfin il est sorti, je parle du DVD de La Règle Du Jeu (1939), comme annoncé dans le blog précédent. Depuis des années, il fallait se reporter à la belle édition américaine établie par Criterion. Les éditions Montparnasse ont mis fin à ce scandale et leur version s’accompagne de très nombreux bonus, commentaires et études sous la direction d’Olivier Curchod.
Ce DVD sort au même moment que divers coffrets Renoir qui permettent de revoir certains films muets avec des musiques de Marc Perrone (Tire-au-Flanc – 1928) ou parlants : Le Fleuve (1951), Le Carrosse d’Or (1953) et le sublime Une Partie de Campagne (1936).
Renoir a plus de chance que Varda. Si on veut voir Cléo de 5 A 7 (1961) ou Sans Toit Ni Loi (1985), il faut se reporter à l’édition Criterion (Cleo from 5 to 7 et Vagabond). En attendant une sortie que l’on espère prochaine de Cléo, il faut relire le sublime article que lui consacra Roger Tailleur que l’on peut trouver dans le volume Vi(v)re le Cinéma publié par Actes Sud et l’Institut Lumière. Ce texte et celui sur Le Trou (1960) de Jacques Becker sont peut être les plus belles critiques consacrées à des films français.
Autre belle sortie, celle de L’Acrobate (1976) de Jean-Daniel Pollet chez Opening. Ce film touché par la grâce nous permet de revoir le génial Claude Melki, hélas disparu, d’entendre la très belle musique d’Antoine Duhamel. Signalons que le co-scénariste est Jacques Lourcelles, auteur de l’indispensable guide des films parus chez Bouquins et qui fut aussi le co-scenariste, entre autres de Confidences pour Confidences (1979), Le Chaud Lapin (1974) et La Dilettante (1999) de Pascal Thomas.
J’ai revu avec énormément de plaisir, voire de jubilation, Le Trio Infernal (1974), décapant, cynique, réjouissant, de notre Président Francis Girod où Michel Piccoli et Romy Schneider sont géniaux. Quel plaisir aussi de voir des acteurs comme Pierre Dac, Jean Rigaux….
Aux éditions Montparnasse, sortie de plusieurs films qui comptent parmi les chefs d’œuvre du cinéma américain : La Fille de la Cinquième Avenue (1939) formidable comédie de Gregory La Cava, l’un des maîtres de la comédie américaine qui fut longtemps sous estimé en France. Ses méthodes de tournage révolutionnaires lui valurent de nombreux affrontements avec les studios. Obsédé par la spontanéité, il réécrivait le scénario au jour le jour, donnait le dialogue la veille ou en arrivant sur le plateau (ce qu’adoraient Katharine Hepburn, Ginger Rogers ou Joel McCrea), ce qui perturbait le Front Office. D’autant qu’il imposait des principes de jeu très en avances sur son époque. Dans Stage Door (1937 – Pension d’Artistes), la simultanéité, le chevauchement des dialogues anticipe sur les recherches d’un Robert Altman. Dans La Fille de la Cinquième Avenue (co-écrit par son complice habituel Allan Scott), il donne un ton extrêmement original à cette comédie sociale sur la lutte des classes, demandant à Ginger Rogers de dire toutes ses répliques sans les jouer ni les dramatiser, sans ajouter d’expressions, de sourires. Ce qui nous vaut sans doute le personnage le plus renfrogné, le plus ronchon de l’histoire de la comédie américaine. Et le résultat, hilarant, renouvelle nombre de situations classiques. Dans ses meilleures réussites (Stage Door, Primrose Path – 1940, La Fille de la Cinquième Avenue, My Man Godfrey – 1936), La Cava retourne les situations archétypales, les principes, tels qu’ils ont été définis par Capra ou McCarey et leur donne un sens nouveau.
Autre classique, La Septième Victime (1943) de Mark Robson est l’un des chefs d’œuvres produits par Val Lewton (Cat People, La féline – 1942, I Walked with a Zombie, Vaudou – 1943 de Tourneur, The Curse of the Cat People, La Malédiction des Hommes-Chats – 1944 du regretté Robert Wise). Ce film fantastique moderne annonce étrangement Rosemary’s Baby (1968) de Polanski et, comme l’écrit Jacques Lourcelles, compte « parmi les œuvres les plus hantées de l’histoire du cinéma. Le film impressionne d’abord par son incroyable richesse en personnages, séquences, détails étonnants. Richesse nullement handicapée par la très grande modicité du budget et un métrage assez bref de 71 minutes…Ce sens aigu, pour ne pas dire obsessionnel qu’avait Lewton de la litote, se manifeste constamment dans le film et culmine avec le bruit final de la chaise renversée qui atteint, dans l’expression de la morbidité, une limite extrême et quasi indépassable ». Lewton est co-auteur du scénario avec De Witt Bodeen, sous un pseudonyme.
Dans la même collection, tout amateur se doit de posséder Le Garçon aux Cheveux Verts (1948) de Losey, La Maison dans L’ombre (1952) de Nicholas Ray, Berlin Express (1948) de Tourneur, Blood on the Moon (1948 – Ciel Rouge) de Robert Wise.
La sortie de l’excellent Bombon El Perro de Carlos Sorin nous permet de rappeler à ceux qui ne l’ont pas vu Historias Minimas (2002), une réussite originale et émouvante.
Deux films muets à signaler : le génial Dr Mabuse (1933) chez MK2 l’un des plus grands films de Lang de cette époque avec les Trois Lumières (1921).
Et beaucoup moins connu mais passionnant Piccadilly de Ewald-André Dupont.
Deux films français plus récents qui méritent une redécouverte, le très émouvant Haut les Cœurs de Solveig Anspach où Karin Viard était magnifique et le très fort Violence des Echanges en Milieu Tempéré (2003) de Jean-Marc Moutout sur le dégraissage et la restructuration des entreprises, donc l’actualité est hélas de plus en plus évidente. Laurent Lucas est excellent dans les deux films.