Si on parlait du cinéma anglais
Pléthore de sorties en Angleterre et de films rares, souvent dans des versions sans bonus et toujours sans sous titres.
Commençons par deux réussites que l’on doit au tandem Frank Launder et Sidney Gilliat, les scénaristes si inventifs d’UNE FEMME DISPARAIT, de NIGHT TRAIN TO MUNICH : MILLIONS LIKE US (1943) dont ils signent tous les deux le scénario et la réalisation (ce sera leur seule co-mise en scène) et WATERLOO ROAD (1945) que Gilliat écrit (avec Val Valentine) et dirige seul. Les deux films, tournés « à chaud », ont en commun une volonté de montrer des gens ordinaires confrontés à la guerre, aux bombardements, à la peur de l’invasion allemande, un goût pour une structure dramatique libre, originale.
Dans MILLIONS LIKE US, on voit surgir de temps en temps et sans que cela soit rattaché à l’une des intrigues, deux officiers calamiteux, Charters et Caldicott joués par les sublimes Basil Radford et Naunton Wayne (qui reprennent en fait les personnages et les noms du Hitchcock et de NIGHT TRAIN). Ils échangent dans divers décors – un train, une plage – des propos flegmatiques et désabusés, essaient de se souvenir du nombre de mines qu’ils ont posées, renoncent en ajoutant : « on n’ira pas se baigner ici après la guerre ». Voilà un exemple de ce qu’ils se disent :
Charters : « A propos de sacrifices provoqués par la guerre, Caldicott, est ce que vous vous souvenez de ce vieux Patterton ? »
Caldicott : « Le type qui avait toutes ces plantations en Malaisie ? »
Charters : « Oui, lui. Vous vous souvenez de son valet, Hawkins »
Caldicott : « Oui »
Charters : «Il a été évacué sur Weston sur Mer »
Calidicott : « Pas possible »
Charters : « Patterton est tout simplement livide. Il ne s’est jamais habillé tout seul depuis 30 ans
Caldicott : « Mais qu’est ce qu’il va faire »
Charters : « Le suivre. À Weston sur Mer. »
Caldicott : « oh à propos, combien de mines a-t-on posées ce matin ? »
Sidney Gilliat m’avait dit que l’écriture de ces deux personnages avait marqué et influencé, de son propre aveu, Harold Pinter. Ajoutons que ces séquences détonnent dans ce qui devrait être un film de propagande. Les Britanniques ont d’ailleurs été les seuls à mettre autant l’accent sur leurs travers, leurs erreurs dans les productions des années 40. Souvenez-vous de COLONEL BLIMP. Dans WATERLOO ROAD, la bureaucratie de l’armée paraît tatillonne et répressive.
Mais ce qui confère son originalité, sa force, son émotion à MILLIONS LIKE US, c’est le rôle prédominant donné aux personnages de femmes que l’on voit tenter de survivre, d’aimer, de s’engager. Plusieurs séquences dans l’usine où ne travaillent que des femmes vous serrent le cœur. Patricia Roc et Anne Crawford, trop tôt disparues, sont deux des plus belles actrices du cinéma anglais.