Juin
24

D’abord quelques repentirs. Sur quelques films italiens ou anglais dont j’ai omis de parler.

Films Italiens

En premier lieu LA FILLE DANS LA VITRINE (SNC) de Luciano Emmer, tout à fait remarquable. Cette chronique sociale douce-amère décrit un milieu très rarement évoqué au cinéma, celui des ouvriers immigrés. En l’occurrence des mineurs d’origine italienne ou franco-italienne qui viennent travailler en Belgique.  Tout le début du film  qui dépeint leur vie quotidienne, quasi communautaire, leur boulot épuisant est filmé avec netteté, sans pathos, sans complaisance, sans pittoresque.  L’un des mineurs (Bernard Fresson) qui a survécu à un grave accident, décide de rentrer au pays mais veut faire un détour par les quartiers chauds d’Amsterdam pour prendre du bon temps. Son copain (Lino Ventura) l’accompagne. Ils vont rencontrer Else, une prostituée (Marina Vlady) qui racole dans une vitrine. Emmer fait alors preuve d’une délicatesse, d’une invention, d’une justesse qui donne envie de revoir tous ses films. Particulièrement réussi est le moment où Lino Ventura complètement bourré met plusieurs minutes à réaliser qu’il est dans un bar gay. Marina Vlady est sublime de beauté, de sensualité. On n’est pas étonné de retrouver au générique parmi les scénaristes Rodolfo Sonego qui a écrit de nombreux chefs d’œuvre (L’ARGENT DE LA VIEILLE, UNE VIE DIFFICILE) et à qui il faudra, un jour, rendre justice. Plusieurs amis italiens ont redécouvert DIMANCHE D’AOUT et les FIANCÉS DE ROME. Dans l’excellent entretien que l’on trouve dans les bonus, Emmer dit que ses deux films favoris sont ceux qu’il a tournés avec Marie Trintignant, notamment UNE LONGUE, LONGUE, LONGUE NUIT D’AMOUR.

Dans ma petite note sur Germi et sur MEUTRES A L’ITALIENNE, je n’avais pas assez insisté sur la fin, si forte, si bien découpée. Avec ce travelling avant sur le visage de Claudia Cardinale et ces 4 derniers plans durs et poignants.

Films Anglais

J’avais oublié de signaler, erreur regrettable, THE FALLEN IDOL un des plus grands films de Carold Reed.

OUR MAN IN HAVANA (NOTRE AGENT A LA HAVANE sous titres anglais) n’atteint pas ces sommets mais vaut mieux que sa réputation. La première partie, notamment, dans un beau Scope noir et blanc, frappe par son ironie tranchante, son scepticisme, sa vision décapante du monde de l’espionnage (qui a influencé le TAILLEUR DE PANAMA). Le dialogue de Graham Greene, adaptant son roman, est percutant. La seconde partie devient trop « hénaurme ». Greene aveuglé par son ressentiment, finit par désamorcer sa charge à force d’exagération. Noël Coward est pourtant excellent. Mais  c’est Ernie Kovacs qui vole le film. Il est impayable en chef de la police de Battista, cauteleux, méprisant, vipérin qui s’éprend de la fille d’Alec Guinness. J’aime tout particulièrement le moment où ce dernier lui demande si le briquet qu’il vient de sortir est celui qui est tapissé de la peau des prisonniers qu’il a torturé.

Deux films de Thorold Dickinson, cinéaste qu’on redécouvre sont maintenant disponibles en Angleterre : SECRET PEOPLE et QUEEN OF SPADES que Martin Scorcèse aime beaucoup. On pouvait voir sa version de GASLIGHT avec le grand Anton Walbrook sur le dvd zone 1 du film de Cukor.

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Mai
17

Pendant la période très accaparante du montage et du mixage, j’ai pu  jeter un coup d’œil sur quelques coffrets passionnants sortis en Zone 1.

Samuel FullerLe coffret consacré à Samuel Fuller par Sony (sous titres français) est tout à fait particulier. Il ne comprend que deux films réalisés par le grand Sam : CRIMSON KIMONO que j’avais trouvé plutôt moyen après une ouverture éblouissante et que je n’ai pas revu. Et UNDERWORLD USA (les Bas Fonds New-Yorkais titre français fantaisiste puisqu’il n’est nulle par fait mention de New York, dans les dialogues ou dans les images), film profondément personnel et inspiré (là encore le début est magnifique). Il s’agit d’une fable lyrique sur la vengeance, la manière dont celle-ci corrode, abîme, les sentiments du héros. D’autant que cette vengeance paraît inutile, la victime – le père du héros- ne valant pas tripette. Mais en digne héros Fullerien, Cliff Robertson s’arque boute, s’entête à aller jusqu’au bout, n’écoute aucun conseil. La violence rabaisse ceux qui la commettent nous dit Fuller. Elle rend aveugle et sourd même face aux plus belles déclarations d’amour. Quand Cuddles demande à Tolly de l’épouser, il la rejette cyniquement (« you must be on the needle »). Sandy, cette femme âgée extraordinaire qui a élevé le jeune garçon, l’injurie « : «  Cuddles est une géante…Tu sais pourquoi ? Parce qu’elle a vu en toi une parcelle, quelque chose qu’on pouvait sauver. Et toi tu es un nain ». Fuller coupe alors sur un plan rapproché de Cliff Robertson entendant la voix de son amoureuse : « certaines femmes quand on les embrasse, rougissent, appellent la police. D’autres jurent, crient, mordent. Moi, je défaille, je meurs, je meurs d’amour sous tes baisers ». Moment sublime qui vous cueille comme pratiquement tous les plans du film que l’on prend comme des coups à l’estomac. Fuller utilise les contraintes d’un budget for réduit en simplifiant, en allant toujours à l’essentiel, en filmant le concept des scènes plus que les scènes elles-mêmes. Une petite fille passe en vélo près d’une voiture conduite par Gus, un tueur qui lui a donné une friandise. Elle le salue et part en pédalant. La camera reste sur Gus qui démarre, poursuivant la petite cycliste. Plan de la jeune qui pédale. Plan de Gus dans sa voiture. Retour sur l’adolescente que l’on sent inquiète et qui accélère. Sa mère apparaît à une fenêtre. Plan du vélo. De la mère qui crie. Plans plus rapides de la voiture, des roues de la bicyclette. La mère hurle. Fuller coupe sur la petite fille gisant sur le sol à côté de son vélo. Des séquences comme cela, dégraissée, il y en a vingt. Ce traitement stylisé nous entraîne loin du réalisme vers la fable. Les 3 assassins du père de Tolly sont les trois caïds qui chapeautent la prostitution, la drogue, les syndicats. Mais cette stylisation n’empêche pas Fuller de lancer des phrases qui paraissent prophétiques.

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Mar
16

Espagne

Je suis un grand admirateur d’Arturo Perez-Reverte et pas seulement pour la série des livres consacrés au Capitaine Alatriste. J’attendais donc avec impatience cette première adaptation cinématographique d’autant qu’elle était réalisée par Augustin Diaz Yanes dont j’avais beaucoup aimé PERSONNE NE PARLERA DE NOUS, film noir sur fond de politique et de mémoire. Je n’ai pas vu, SANS NOUVELLE DE DIEU, projet relativement ambitieux.
CAPITAINE ALATRISTE m’a laissé une impression mitigée. Les recherches formelles parfois somptueuses (le choix des décors, des costumes impressionne), parfois à la limite du formalisme (toute l’ouverture filmée en très gros plan ce qui réduit à néant toute compréhension de l’espace) se heurtent à un scénario dont les péripéties doivent être obscures, voire énigmatiques pour qui n’a pas lu les romans. On a l’impression qu’Augustin Diaz Yanes a voulu condenser plusieurs livres, ce qui entraîne une narration elliptique, trop morcelée. On se perd dans les personnages, dans les guet-apens pourtant spectaculaires, dans les retournements de situations. Restent quelques scènes fortes, des corps à corps violents, la bataille  – on devrait plutôt dire le carnage – de Rocroi et ces soldats qui s’empalent sur les lances. Reste surtout Vigo Mortensen, irréprochable comme toujours qui campe un Alatriste définitif.

Italie

Mario BavaCarlotta vient de sortir un coffret consacré à Mario Bava, cinéaste qui a ses fidèles. On ne peut pas ne pas reconnaître à LA BAIE SANGLANTE (trop gore pour mon goût) d’évidentes qualités plastiques, mais l’absence quasi totale de direction d’acteurs me gêne tout comme dans LE CORPS ET LE FOUET. Je voudrais bien revoir en revanche LE MASQUE DU DÉMON son premier film que j’avais adoré.
Et quel que soit le rôle important pris par Bava à la réalisation des VAMPIRES (la lumière,  la photographie mais aussi tous les trucages lors de la transformation de Gianna Maria Canale), il me semble un peu abusif de le faire figurer sur la pochette comme co-réalisateur. C’est Freda qui dirigea le film avec un brio réel qui masque le budget minimaliste (On voit la tour Saint Jacques vaciller). Il y avait d’autres collaborateurs de choix sur ce film : Nino Novarese, talentueux créateur de décors et costumes, Roman Vlad pour la musique.
Freda dont Cristaldi films vient d’éditer enfin en dvd IL CAVALIERE MISTERIOSO (hélas sans sous titres, dommage pour le bon dialogue de Freda, Monicelli et Stefano Vanzina, alias Steno), l’un de ses meilleurs films. Cette aventure de Casanova (un jeune et splendide Gassman) est un pur délice qui se termine sur une coda grave et mélancolique.

Carlotta vient de sortir en France trois films de Pietro Germi, cinéaste très important et encore trop mal connu. Un assez bon documentaire après SIGNORE & SIGNORI retrace sa carrière avec ses changements d’orientations qui déroutèrent plus d’une fois la critique. On lui reprochait souvent de changer de direction, d’abandonner après AU NOM DE LA LOI (que je n’ai vu qu’en vidéo et sans sous titres) et LE CHEMIN DE L’ESPERANCE que je veux absolument voir, de trahir le néo-réalisme au profit du film noir ou pire de la comédie. Pourtant DIVORCE A L’ITALIENNE et SEDUITE ET ABANDONNÉE frappent toujours par l’âpreté de leur ton, la virulence avec lesquels Germi s’en prend à la dictature machiste, au code de l’honneur, aux soi disant vertus familiales. Ces deux films sont des réussites exceptionnelles dont j’avais déjà parlé lors de leurs éditions américaines par Criterion.
Les trois films choisis par Carlotta remettent définitivement les choses en place. Quand on pense que SIGNORE & SIGNORI, que le jury avait eu l’intelligence de couronner à Cannes, fut hué par la presse et le public comme le raconte Jean Gili dans son introduction…

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