Les archives de la Warner
9 décembre 2009 par Bertrand Tavernier - DVD
Sous le titre de Archive Collection, la Warner a sorti en zone 1 un certain nombre de titres inédits ou rares dont beaucoup avaient même disparu des catalogues vidéos. Étrangement, beaucoup sont des productions MGM comme le remarquable POSSESSED, l’une des réussites majeures de l’excellent Clarence Brown et le premier film réunissant Gable et Crawford. Le film contient plusieurs séquences anthologiques notamment durant l’ouverture du film : le dialogue entre Wallace Ford et Joan Crawford durant une sortie d’usine est filmée en un seul plan, un travelling arrière rapide à la grue. Tout le sujet est mis sur la table en quelques secondes. Puis Crawford, restée seule, s’arrête devant la symbolique voie de chemin de fer qui partageait toute ville américaine en deux mondes socio-économiques : le « bon » et le « mauvais » côté de la voie. Un train de luxe va faire défiler devant elle toute une série de scènes de la vie des riches, succession de cadres constitués par les fenêtres des compartiments à l’intérieur du cadre du film. Même dans les scènes attendues, Brown fait preuve d’une élégance, d’une invention remarquable.
La collection comprend d’autres Brown que j’aime beaucoup moins comme IDIOT’S DELIGHT et THE HUMAN COMEDY d’après Saroyan qu’adorait Melville.
J’ai pu ainsi acquérir ABE LINCOLN IN ILLINOIS de John Cromwell qui dans mon souvenir prenait le contre-pied de YOUNG MR LINCOLN de Ford, COUNTDOWN, l’un des premier Altman, TOO HOT TO HANDLE, WICHITA de Jacques Tourneur dans, si j’en crois Dave Kehr, un superbe transfert.
J’ai eu le temps de voir ANGEL BABY signé par Paul Wendkos mais initié et commencé par Hubert Cornfield. Voilà une vraie curiosité, pratiquement contemporaine d’ELMER GANTRY, une œuvre qui s’attaquait aux prédicateurs campagnards comme dans MIRACLE WOMAN de Capra. Et le résultat est assez décevant même si on replace le film dans le contexte de l’époque et qu’on reconnaît comme le dit Joe Dante que sa vision dans les drive in en 1961 constituait une sorte d’événement. On ressent une frustration devant la timidité du scénario, la maladresse du montage et la prétention un peu lourde de certains cadrages (Wendkos ?), trop composés. La photo est pourtant de Haskell Wexler, à moins que ce soit lui qui ait imposé ces fausses bonnes idées visiblement inspirées par Kazan. Burt Reynolds dans un rôle secondaire n’est pas bon du tout et le choix calamiteux de George Hamilton tue toute crédibilité. Pourtant ici et là, on est intrigué par des extérieurs rudes, peu hollywoodiens, le choix de certains visages, de certains acteurs ou de non professionnels qui amènent un peu de vérité.
Le film pèche par ses plans de réaction sur des spectateurs durant les sermons ; Cornfield ou Wendkos choisissent de ne cadrer que des groupes de deux ou trois personnages, ce qui fige la scène, bloque la fluidité du découpage. Ces plans sont trop composés, trop artificiels et je préfère de beaucoup cette longue scène opposant Mercedes McCambridge (qui en fait toujours beaucoup) et George Hamilton et certains moments avec Joan Blondell et Henry Jones.
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Commentaires (20)
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Je suis à 200 % en accord avec le message de Larry Dewaële. Mr Tavernier vous qui aimait le cinéma comme Mr Patrick Brion vous devez défendre la diffusion de ces films en France mais pour qu’il soit accessible au public français ! La VO pur sans sous titres, sans bonus, sans restauration en commande à des prix prohibitifs sur internet, c’est le meilleur d’enterrer ce cinéma définitivement !! Nous devons faire pression sur Warner France !
J’ai écrit une note là dessus sur mon blog :
http://hollywoodclassic.hautetfort.com/archive/2012/09/12/les-films-que-vous-ne-verrez-jamais-ou-le-scandale-warner-ar.html
A Stéphane
Oui il y a une problème. Cela dit, c’est deja bien que la Warner mette à la disposition de certains de nombreux titres qui ne sont jamais sortis aux USA même en vidéo. C’est un prepier pas et de nombreuses personnes ont salué la sortie de THE HANGING TREE enfin dans un forma correct. Les films sont chers mais là dessus on peut se battre et les américains font des promotions. Il faut maintenant exiger la même chose en France donc écrire à Warner France, à tous ceux qui peuvent faire pression.
Les autres firmes ont suivi la même politique mais on peu trouver leurs oeuvres en Espagne à des prix moitié moins elevé (evidemment avec des sous titres espagnols optionnels). Pourquoi l’Espagne et pas la France ?
Idem pour Columbia.
Ecrivez à DVD Classic. Moi je fais le maximum pour relayer vos demandes.
Ned Price sera à Lyon pendant le festival Lumiere. Faites lui pârvenir une petition.
Mr Tavernier,
J’ai déjà écrit dernièrement pour signaler ce problème à Mr Patrick Marteau rédacteur en chef des années laser. Oui je pense qu’une pétition est une très bonne idée. Mais cela demande du temps que mon métier ne me permet pas beaucoup. Je sais que vous faites ce que vous pouvez de votre côté.
Mais vous voyez moi cela me paraît oomplètement dingue qu’un éditeur en 2013 ne fasse rien pour vendre correctement 80% de son catalogue. Je crois que j’ai trop d’amour pour ce cinéma pour le voir aussi mal mis en avant. Je fais parti de la « jeune » génération qui a découvert ce cinéma, grâce à « la dernière séance ». Je pense que cette émission a créé des régiments de cinéphiles tant qu’elle a pu exister.
Bref, merci beaucoup pour votre réponse. J’aime beaucoup votre blog qui est très complet concernant les sorties de classiques, et qui lui donne envie de les acheter.
A noter une très bonne nouvelle. En octobre la FNAC se décide à sortir 30 DVD des trésors Warner !!
http://recherche.video.fnac.com/n320441/DVD-Grands-Classiques/Les-Tresors-Warner?sl=-1.0&PageIndex=2&ItemPerPage=15
Ayant des contacts sérieux du côté de la Fnac, je vais voir ce que je peux faire pour développer leurs catalogues.
A Stephane
Liste étrange qui comprend aussi bien des tires passionnants (LA FILLE DU DESERT, BREWSTER MCCLOUD, MORTAL STORM, LA CHUTE D’UN CAID) et des nanars dont on ne voit pas la necessité (MISSION TO DANGER, VERTES DEMEURES, CONFLICT) des film sans reputation et de peu d’intéret cotoient des Minelli, Walsh. Qui décide et choisit ? Il y avait mieux à puiser dans les WARNER ARCHIVES américaines
mais il s’agit de la collection qui a occasionné votre coup de gueule du 13 octobre 2011?! Au moins les prix ont chuté…
Il s’agit tout simplement des 30 titres Trésors Warner sortis il y a un an, vendus depuis au prix prohibitif de 20€, prix qui n’a manifestement (et tellement logiquement, enfin Warner quoi, vous avez quoi dans les yeux) pas permis à une seconde salve de voir le jour. Le partenariat avec la Fnac va manifestement permettre l’écoulement des stocks (car quand-même, il y a plusieurs Hawks, plusieurs Walsh, plusieurs Minnelli…) et on l’espère enfin, une seconde vague de titres.
Les archives de la Warner c’est très bien, mais leur dvd (zone 1) sont à des prix défiant toute concurence, à savoit très chers !! Il y a dans cette collection « The Verdict » de Don Siegel, avec Stanley Greenstreet et Peter Lorre, qui je l’espères sortira (un jour ??) en édition plus abordable …
SYDNEY Greenstreet, bien sur.
Non seulement ces dvd Archive Warner ne sont réservés qu’aux anglophones, mais comme le notent la plupart des internautes qui s’expriment sur les sites marchands:
1) il s’agit de DVD-R, dont il n’est pas garanti qu’ils passent sur tous les lecteurs et ordinateurs (ils ont bien pris le soin de le préciser sur les jaquettes)
2) les copies ne font l’objet de strictement aucune restauration, ce qui signifie que les dvd sont faits avec les meilleurs éléments disponibles dans les coffres de la Warner. La qualité des copies est donc variable et est, grosso modo, celle des copies diffusées sur les chaînes cinéma du câble, en particulier TCM (dont la numérisation des films en noir et blanc est loin d’être toujours exemplaire).
3) il n’y a évidemment aucun bonus, à peine des chapitrages (toutes les 10 minutes)
4) plus fort que tout, pour ces éditions n’ayant fait l’objet de strictement aucun travail additionnel: le prix de vente, qui tourne autour de 25$
Bref, Warner fait les soldes. Après avoir scandaleusement ignoré certains de leurs auteurs maison et des perles de leur catalogue quand le dvd était encore florissant, ils se sont sans doute dit qu’il était temps de vendre ce qu’ils estiment non susceptible de faire des bénéfices rapides en récoltant un maximum d’argent auprès des fondus qui ne de toute façon débourseront ce genre de sommes pour des classiques absolus qu’ils n’auront pas autrement.
Voir traités ainsi certains des films cités plus haut, Colorado Territory / La Fille du désert ou The Strawberry Blonde de Walsh, me débecte au plus haut point. Je savais depuis longtemps qu’ils se fichaient royalement de ces titres et de bien d’autres encore, mais là c’est la preuve par l’exemple. J’hésite encore à me faire arnaquer en pleine connaissance de cause…
Ce que vous dites est tout à fait exact mais pour le moment c’est le seul moyen de pouvoir voir ABE LINCOLN IN ILLINOIS, COUNTDOWN, I WAS A COMMUNIST SPY FOR THE FBI et WICHITA (dans un beau transfert écrit Dave Kehr). De même que PRIDE OF THE MARINES, l’un des chefs d’oeuvre de Delmer Daves
ces dvd ‘Archive » Warner ne sont malheureusement reservés qu’aux anglophiles, aucun sous-titre n’est proposé, c’est bien dommage.
La collection Warner semble tenir toutes ses promesses, avec déjà une bonne liste de films de très haut niveau. Je retiendrai aussi parmi les premières sorties : TALL TARGET d’Anthony Mann, THE UNSUSPECTED, film noir de Michael Curtiz avec un Claude Rains très inspiré, COLORADO TERRITORY (inédit à ce jour!), l’inénarrable STORY OF MANKIND d’Irwin Allen, qui mérite de figurer parmi les films les plus nuls de l’histoire du cinéma et doit être vu en groupe après un repas très arrosé. Plus sérieux : le fataliste et très beau TODAY WE LIVE de Hawks dont les dialogues de style télégraphique m’enchantent. La fin du film est bâclée, mais le trio Cooper/Crawford/Tone est du meilleur HH. A noter également ROUGHLY SPEAKING de Curtiz, longue et belle chronique d’une famille inspirée d’un récit autobiographique, BRIGHT LEAF (Le Roi du Tabac), qu’on voyait jusqu’ici sur TCM dans un assez méiocre contretype français, PRIDE OF THE MARINES de Daves, etc. Pas mal de titres MGM introuvables jusqu’ici en DVD (notamment LA CROISÉE DES DESTINS de Cukor), et dont la présence tient tout simplement à ce que Warner est le distributeur habituel des DVD de la firme du Lion.
Abe Lincoln in Illinois de John Cromwell bénéficie aux USA d’une grosse réputation. Usurpée ou non, je n’en sais rien, car je n’ai pas vu le film. De Clarence Brown, j’ai un souvenir excellent mais lointain de L’INTRUS et tout aussi excellent mais récent de Jody et le Faon, film pseudo-enfantin. Pour répondre au précédent post, William Conrad a effectivement réalisé quelques films; j’en ai qu’un seul, sur TCM, il y a 8-9 ans, intitulé UNE GUILLOTINE POUR DEUX. C’est plutôt sympa, dans mon souvenir.
Abe Lincoln de Cromwell me semble abusivement qualifié de chef d’oeuvre si tel est le cas: ce qui frappe , c’est sa photographie , la qualité de son interprétation et l’habileté de son récit qui réussit à rendre intelligible et crédible une ascension très progressive. C’est un beau film, plutôt honnête et de bonne facture qu’il serait cruel de comparer au lyrisme visionnaire du Ford!
Le biopic est un « genre » pour le moins étrange qui ne recèle que peu de vrais chefs d’oeuvre:Bird d’Eastwood, Edward Munch de Watkins, Van Gogh de Pialat (en est-ce un?),Amadeus de Forman, Ed Wood de Burton me viennent en mémoire au premier abord.
On pourrait dire que le Zola de Dieterle est très intéressant de même que The aviator de Scorsese ou l’étrange Klimt de Ruiz ou l’honnête Pollock de Ed Harris.
Et après :les fades Malcom X, Harvey milk,Frida, Glenn Miller story, La môme,Truman Capote, Gandhi, Chaplin,…et j’en passe! C’est un genre très institutionnalisé aux USA (au même titre que le biographique qui s’inscrit dans les études critiques autour d’artistes de manière intempestive souvent au détriment des textes, des films…).
J’oubliais aussi l’admirable Patton de FJ Shaffner qui réussit à inscrire le factuel dans une vision mythique complexe à la fois reflet de la folie visionnaire du personnage et construction d’un mythe moderne.
L’Homme aux mille visages (Man of a Thousand Faces, 1957) réalisé par le sans-génie Joseph Pevney est pas mal du tout non plus. Lon Chaney y est magnifiquement interprété par un James Cagney ahurissant comme d’habitude.
Autre biopic très sympa : celui consacré au cornetiste virtuose Red Nichols. Il s’agit de « Millionnaire de cinq sous » (The Five Pennies, 1959), un film de Melville Shavelson, où l’on a une scène musicale d’anthologie entre Danny Kaye (qui incarne Red Nichols) et Louis Armstrong (qui joue son propre rôle).
Ces deux films m’ont laissé un très bon souvenir…
Le biopic, peu de chef d’oeuvres !!! Ca dépend où on place la limite d’un genre. Pour ma part, je placerai assez CITIZEN KANE dans cette catégorie, ainsi des films comme GENTLEMAN JIM ou encore les innombrables évocations de la vie de Jesse James (King, 1939, étant la meilleure). Parmi les récents, LARRY FLINT ou ED WOOD m’ont semblé intéressant et être des biopics ! La difficulté quand on parle d’un genre comme le biopic, c’est de placer une définition et donc une limite. Par exemple: le CASANOVA (celui de Fellini) biopic or not biopic, that’s the question !
Le montage (ou le mixage) de La princesse…vous laisse donc un répit plutôt bref si on en juge par le format des deux chroniques! Bon courage pour ces ultimes combats avec la matière…
Si Countdown d’Altman demeure un opus mineur (SF pour SF, je lui préfère Quintet du même Altman, oeuvre souvent décriée et pourtant souvent habitée), Abe Lincoln de Cromwell(vu sur cinecinema classic il y a des années)est un beau film, très sobre et magnifiquement photographié. Je doute qu’il soit pertinent de chercher à l’opposer à Young M Lincoln car le premier est un pur biopic tandis que le second oscille entre americana et biopic (et me semble très proche par moments de Doctor Bull ou Judge Priest avec cette fausse indolence qui se rompt brusquement lors d’une tragédie qui menace l’unité de la communauté): il peut en constituer un complément de moindre envergure. Je suis très curieux de voir ce que Spielberg fera de la figure de Lincoln après la réussite d’un Munich et le semi échec de Amistad.
J’ai vu Will Penny de Tom Gries sur Classic, fort beau western réaliste qui sait créer un récit quasi sans concessions plus réussi à mon sens que The spikes gang de Fleischer ou Cable hogue de Peckinpah qui jouent sur une semblable atténuation du spectaculaire. Sans être un OVNI aussi impressionnant que Man in the wilderness, il s’agit d’une réussite incontestable que se doit de connaître tout amoureux du western. En revanche Soldat bleu de Nelson ne m’apparaît pas comme une grande réussite parce que trop ancré dans son époque (les 70′) et lourdement picaresque avant l’épisode du massacre toujours aussi efficace mais comme déconnecté du reste du film.
« Countdown » est un petit film sans prétention mais bien sympa, qu’Arte avait eu l’excellente idée de diffuser il y a quelques années. Un film spatial réalisé par Altman, étonnant, non ? On y sent bien son expérience de réalisateur rapide qui a fait ses gammes à la télévision. Je viens de découvrir qu’il l’avait co-réalisé avec… William Conrad ! Une des plus célèbres « rondeurs » d’Hollywood (avec des petits yeux d’éléphant fatigué/méchant à la Bud Spencer) qui fut l’un des deux « Tueurs » de Siodmak mais se fera ensuite surtout connaître dans des séries télé comme l’inspecteur « Cannon » puis en Nero Wolfe de « L’homme à l’orchidée ».