Films anglais et français : les Boutling, Verneuil, Borderie…
18 février 2014 par Bertrand Tavernier - DVD
FILMS ANGLAIS
Nouvelle édition du VOLEUR DE BAGDAD de Powell, Korda, Berger et Whelan mais aussi de titres beaucoup plus rares comme le REMBRANDT de Korda, LYDIA et ANNA KARÉNINE de Julien Duvivier (le premier, lointain cousin de CARNET DE BAL, dans mon souvenir, contenait de vraies qualités), THE DIVORCE OF LADY X de Tim Whelan que je n’ai pas encore vu.
REMBRANDT, lui, est un film magnifique et je ne peux qu’être d’accord avec les propos d’Alain Masson dans le dernier Positif. Classique certainement et pour certains académique. Mais Korda transcende ces limites en communiquant à son film une fièvre, une âpreté qui tranchent avec la plupart des biopics. Tout d’abord en ne s’attachant, parti pris très original et très britannique, qu’à la période de la « chute » de Rembrandt après le scandale causé par la Ronde de Nuit. Il est coupé de ses protecteurs, de ses soutiens, devient de plus en plus seul et pauvre malgré l’aide d’une servante qu’il épouse juste avant qu’elle meure. Le ton est noir, mélancolique et finalement «habité». Laughton flirte avec le cabotinage mais avec un tel talent, une telle invention qu’on reste admiratif, notamment devant ce demi sourire qu’il affiche pour se défendre des imbéciles.
Je suis entièrement d’accord avec les blogueurs qui ont vanté les qualités surprenantes d’ULTIMATUM des frères Boulting. Il y a des plans sidérants (l’exode dans Londres, les scènes de panique, des images nocturnes de la ville déserte), une utilisation de la lumière qui renforce la dramaturgie. Nicolas Saada faisait remarquer de George Lucas engagea pour le premier STAR WARS le chef opérateur de ce film, Gilbert Taylor. Comme le note Justin Kwedi chez DVD Classik : « Point d’éléments d’anticipation, de velléités spectaculaires ou même de grands message pacifistes dans Ultimatum où les Boulting dresse un état du monde en scrutant celui qu’ils connaissent le mieux, l’Angleterre. Ultimatum est un grand film sur la peur et les différentes formes qu’elle peut emprunter. Il y a d’abord la peur d’un homme – se considérant responsable de cet état du monde en raison de ses recherches – qui sombre peu à peu dans la dépression et l’aversion de son travail. Barry Jones, mine frêle et regard apeuré, exprime à merveille cette anxiété latente d’un Willington perdant pied avec la réalité et sombrant dans la paranoïa. C’est d’ailleurs en fait lui le personnage le plus humain et fouillé dans une œuvre finalement assez froide où chaque protagoniste est restreint à sa fonction (militaire, policier) dans le récit. On adopte ainsi réellement le point de vue d’un homme à l’équilibre mental vacillant et qui menace le monde, tout en se montrant paradoxalement peut-être le plus clairvoyant même si sa peur le pousse à une solution trop extrême.»
Toujours des frères Boulting : BRIGHTON ROCK, scénario de Greene et Terence Rattigan d’après Greene. Richard Attenborough est formidable. Tamasa a aussi ressorti le remarquable MORGAN/ FOU À LIER de Karel Reisz, riche en scènes anthologiques. Dont le déjeuner sur la tombe de Karl Marx. Scénario de David Mercer.
FILMS FRANÇAIS
Henri Verneuil
Le Festival de Lyon rendait hommage à Henri Verneuil en noir et blanc, la meilleure période. Avec un de ses films les plus réussis, DES GENS SANS IMPORTANCE, beau scénario co-écrit par François Boyer : dès la première phrase en voix off du flash back, on est plongé dans un monde ouvrier peu évoqué au cinéma, le monde qui fut abandonné par le parti socialiste comme l’écrivit Eric Conan (je cite de mémoire : « on roulait depuis 32 heures »). Verneuil parle avec chaleur de ce monde populaire, ignoré des cinéastes de la Nouvelle Vague, montre un Paris aux rues lépreuses, aux bâtiments de guingois, le contraire du Paris des bobos. On est encore proche de l’univers d’ANTOINE ET ANTOINETTE. Ce qui est aussi frappant dans ce film si émouvant, c’est le regard amical, presque féministe porté par les auteurs sur le personnage de Françoise Arnoul. La scène de l’avortement, terrible de dureté, est, sur ce plan, exemplaire. A la fois courageuse et sans compromis (ah le plan où l’on va chercher le matériel dans le plafond, toute l’horreur du monde est évoquée là). N’oublions pas qu’un an plus tard le PC, par la voix de Jeannette Vermeesch condamnera la contraception et le droit à l’avortement. Ce qui donne du poids au film de Lara, le JOURNAL D’UNE FEMME EN BLANC comme le rappelait Michel Cournot.
J’ai vanté à plusieurs reprises LE PRÉSIDENT que je revois chaque fois avec jubilation même si la mise en scène est un peu plan plan.
Revoir UN SINGE EN HIVER qui tira des larmes à Gérard Collomb, en présence de Belmondo, fut un moment magique. Il est bon de réécouter le dialogue sublime d’Audiard. Albert Quentin (Gabin, royal) : « L’intention de l’amiral serait que nous percions un canal souterrain qui relierait le Huang Ho au Yang-Tseu-Kiang. » Esnault : « Le Yang-tsé-Kiang… Bon. Albert Quentin : « Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que Huang Ho veut dire fleuve jaune et Yang-Tseu-Kiang fleuve bleu. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’aspect grandiose du mélange. Un fleuve vert ! Vert comme les forêts, comme l’espérance. Matelot Esnault, nous allons repeindre l’Asie, lui donner une couleur tendre. Nous allons installer le printemps dans ce pays de merde. » Toujours Gabin s’adressant à Belmondo : « Oh ! là là ! Le véhicule, je le connais : je l’ai déjà pris. Et ce n’était pas un train de banlieue, vous pouvez me croire. M. Fouquet, moi aussi, il m’est arrivé de boire. Et ça m’envoyait un peu plus loin que l’Espagne. Le Yang-tsé-Kiang, vous en avez entendu parler du Yang-tsé-Kiang ? Cela tient de la place dans une chambre, moi je vous le dis. » Cette dernière phrase me fait fondre. Je me mets à la place de l’acteur qui la découvre. Et l’un des premiers monologues de Belmondo n’est pas mal non plus et il épatant d’élégance et de charme : « Mes gens vont venir. Ce sont des gitans comme moi. Traitez les comme moi même. Arrière les Esquimaux ! Je rentre seul. Un matador rentre toujours seul ! Plus il est grand, plus il est seul. Je vous laisse à vos banquises, à vos igloos, à vos pingouins. ¡ Por favor ! »
Vu aussi LES AMANTS DU TAGE et impression mitigée. La première partie du film semble anticiper et annoncer avec des décennies d’avance le film d’errance sentimentale et touristique, tourné au Portugal, qui s’est épanoui chez Pierre Kast puis sous l’égide de Paolo Branco. En fait Verneuil fait figure de père fondateur de ce sous genre et on aurait bien vu Mathieu Amalric et Jeanne Balibar en place de Gélin et Arnoul. L’intrigue est mince (mais énoncée et jouée avec le même sérieux sépulcral que celui qui enfonçait certaines productions paolobrancoesques), après une ouverture assez réussie mais plombée par le jeu appuyé de Gélin (son personnage est assez énervant) que renforce des cadrages hyper étudiés, signifiants dramatisant tous les rapports. Il y a même quelques cadrages obliques, de très gros plans esthétisants, des plans à deux (deux visages qui jamais ne se regardent) où l’on sent qu’aucun des acteurs ne peut bouger d’un millimètre. Pas mal de conventions : à Lisbonne, tout le monde parle français à commencer par un môme de rues pas mauvais mais lourd. Dalio n’est pas hyper crédible dans une absence de rôle. Néanmoins il y a des mouvements assez vifs, de jolis plans larges, beaucoup d’extérieurs, des enchainements cut assez ingénus, des notations assez belles (les femmes qui caressent le sable) et des dialogues de Marcel Rivet (à qui on doit le scénario d’IDENTITÉ JUDICIAIRE –bon policier réaliste- et LA NUIT EST MON ROYAUME dont j’ai parlé et qui est vraiment pas mal) qui méritaient un traitement moins démonstratif (on a droit au sempiternel point de vue du placard ici qu’on vide, ce qui signifie qu’on a affaire à un film que son auteur a pris au sérieux). La deuxième partie policière fonctionne mieux, grâce à Trevor Howard qui donne une épaisseur à son personnage, mais aurait gagné à être plus trouble, plus ambiguë, moins explicative. Une fois de plus le moteur chez Verneuil, c’est l’argent et cela diminue le personnage parfois touchant de Françoise Arnoul, souvent juste (elle achoppe sur quelques clichés) et fort peu déshabillée (la cote sévère de la CCC est incompréhensible). La fin est trop claire et prévisible malgré une belle musique finale de Michel Legrand (déjà) qui avait surnommé le film, vu les demandes ultra techniques de Verneuil : « les Amants du minutage ».
De Borderie à Lara
Contre toute attente, FORTUNE CARRÉE (Pathé) signé pourtant du souvent redoutable Bernard Borderie qui en dehors de LA MÔME VERT DE GRIS dirigea les plus mauvais Constantine, se révèle assez plaisant malgré une distribution où le saugrenu le dispute à l’improbable. Personne n’est de la même nationalité : Fernand Ledoux joue le cadi, religieux cauteleux et menaçant, Pedro Armendariz, un chef de guerre (Igritcheff, bâtard kirghize d’un comte russe nous dit Joseph Kessel), Folco Lulli Hussein, son serviteur, Anna Maria Sandri, Yasmina, personnage féminin totalement soumis et effacé. La surprise vient de Paul Meurisse, vraiment pas mal en trafiquant d’armes, Mordhom, inspiré par Henry de Monfreid. Il dynamise toutes ses scènes, se régale avec les dialogues de Kessel. Borderie et Nicolas Hayer utilisent le Cinémascope (FORTUNE CARRÉE fut la première production française en Scope) de manière un peu moins statique qu’un Henry Koster dans LA TUNIQUE. Il y a quelques moments divertissants et animés, des extérieurs pas trop paresseux, un certain mouvement même si Borderie ne tire absolument rien de l’épisode qui donne son titre au film : la fortune carrée est une voile qu’on utilise quand on veut affronter une tempête vent debout. Et même si on est loin de la rutilance du roman.
Toujours chez Pathé, LES AMANTS DE VÉRONE est une œuvre curieuse, ambitieuse, parfois brillante et inspirée, avec des élans surprenants, parfois pataude et prévisible. Le travail d’André Cayatte est mieux qu’honorable. Aidé par une belle photo d’Henri Alekan, il utilise au mieux les extérieurs, joue avec la profondeur de champ, les clairs obscurs. Je suis plus gêné par le sujet du film, cette mise en abyme de l’histoire de Roméo et Juliette d’abord dans un film (certaines scènes de tournage sont savoureuses bien qu’assez improbables) puis « dans la vie ». On sait que l’histoire d’amour moderne va forcément mal finir pour être un double exact de celle qu’on filme. Et je suis gêné un peu aussi par l’univers de Prévert, ici, même si plusieurs moments sont détonants et rares, grinçants, cocasses, tendres (parfois aussi emphatiques, mais il faut dire que certains acteurs – Dalio qui surjoue – n’arrangent rien et que les voix off sont dites de manière très grandiloquentes). Il y a un petit côté Anouilh qui perce ici : la pureté des jeunes opposée au monde corrompu des adultes dont plusieurs ont été fascistes. Lesquels jeunes sont crédules, naïfs, tombent dans tous les pièges. Le scénario progresse à coup de coïncidences, de rencontres imprévues, de gens qui ne se voient pas ou qui n’ont pas l’idée de donner le bon papier à la bonne personne. Voilà qui plombe un film souvent passionnant, toujours respectable avec une très belle musique de Kosma. Martine Carol n’est pas mauvaise, Reggiani un peu guindé, Brasseur tonitruant (il a des moments grandioses) et Anouk Aimée qu’on voit nue, délicieuse. La palme de l’étrangeté revient à Marianne Oswald et aux scènes qui l’opposent à Brasseur.
Et chez Gaumont les amateurs de Louis de Funès et de Michel Audiard doivent se ruer sur CARAMBOLAGES de Marcel Bluwal. De Funès explose dans plusieurs séquences fantastiques où il fait un feu d’artifice avec le dialogue délirant d’Audiard (la grande tirade sur la grenouille, l’avoinée qu’il passe à ses collaborateurs sont des moments d’anthologie, bien filmés, qu’on oublie toujours. Ils n’étaient pas cités dans le documentaire sur de Funès). Certaines péripéties (tout ce qui tourne autour des ascenseurs) sont plus lourdaudes, les personnages féminins sont peu intéressants et Brialy est maniéré mais l’irruption de Serrault en flic nostalgique de la rue Lauriston relance la machine et Bluwal sait filmer ces dialogues.
Et surtout sur le percutant AVEC LE SOURIRE de Maurice Tournant, très bien écrit par Louis Verneuil. C’est un scénario original décapant, caustique, cynique, le portrait d’un arriviste fort sympathique de prime abord mais qui n’hésite devant aucune fourberie pour réussir et grimper dans l’échelle sociale. Ce personnage souriant et impitoyable est sans doute le meilleur rôle de Maurice Chevalier. Son interprétation du « Chapeau de Zozo » est un des sommets du film qui mieux que beaucoup d’œuvres aux allures plus ambitieuses capture l’esprit des années 30, l’air du temps.
SYLVIE ET LE FANTÔME, d’après une pièce d’Alfred Adam, est une charmante comédie romantique, avec des dialogues très cocasses d’Aurenche (« Ici rien n’est bizarre, tout est étrange » dit Carette, ou l’inverse), qui imposa Jacques Tati à Lara. Il confère au fantôme une grâce légère et souriante.
Enfin, on va pouvoir revoir le passionnant LUMIÈRE D’ÉTÉ de Jean Grémillon, l’un des trois films qui évoquèrent la lutte des classes sous l’Occupation (les deux autres étant DOUCE et LETTRES D’AMOUR). Le commentaire de Philippe Roger insiste beaucoup sur des signes maçonniques et cette interprétation me laisse perplexe : j’ai du mal à voir Prévert s’amuser à dissimuler ces indices. Quant au PC, il était à cette époque violemment anti-francs-maçons et je vois mal Grémillon, compagnon de route, se désolidariser de ces positions. En revanche, plus incisives et pertinentes me semblent les remarques sur les rapports entre la mise en scène de Grémillon et la musique. Il faut revenir sur ce film.
Toujours chez SND, sortie de LA BANDE À BONNOT dont je fus attaché de presse. J’aimais beaucoup et l’idée de faire un tel film et Brel. Mais le film est desservi par une mise en scène manquant de tonus Philippe Fourastié qui partit mourir très jeune d’une tumeur au cerveau après avoir dirigé trois films et une série TV écrite par Albert Vidalie. Brel et Crémer étaient excellents dans LA BANDE À BONNOT, œuvre sincère mais qui reste souvent au niveau des intentions.
Trois coffrets importants
Le premier coffret consacré à René Allio de 4 films (RUDE JOURNÉE POUR LA REINE, LES CAMISARDS, MOI, PIERRE RIVIÈRE et LE MATELOT 512) chez Shellac Sud, plus un ouvrage LES HISTOIRES DE RENÉ ALLIO (aux Presses universitaires de Rennes) avec nombreux documents et photos.
Le COFFRET CHRIS MARKER (Arte Editions) qui comprend toutes les œuvres majeures.
Et le COFFRET ROHMER chez Potemkine, coffret inouï avec tous les films restaurés. C’est une somme. Je construit de nouveaux rayonnages pour l’entreposer.
Je n’ai jamais eu aucun retour sur les 3 films avec Eddie Constantine que j’ai souvent défendu et promu dans ce blog : l’excellent CET HOMME EST DANGEREUX, savoureusement dialogué par Marcel Duhamel et filmé à l’américaine par Jean Sacha qui fut le monteur d’OTHELLO de Welles (cela se voit dans l’utilisation des courtes focales, de la caméra au sol, des effets de montage) ; ÇA VA BARDER et JE SUIS UN SENTIMENTAL de John Berry, tous deux photographiés par le talentueux Jacques Lemare. Il y a des passages très marrants dans ÇA VA BARDER et des séquences très bien filmées dans JE SUIS UN SENTIMENTAL (le début tient du vrai film noir).
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Commentaires (183)
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à B.T. : vous citez en coup de vent l’Anna Karénine de DUVIVIER sans le commenter; quelle est, selon vous, l’adaptation la plus réussie dudit roman ?
A Edward
Difficile. Le Duvivier est soigné mais distant et froid comme d’autres adaptation. Je n’en connais guère de vraiment réussies mais là je suis fatigué et dois me tromper
Merci. J’ai un souvenir trop imprécis de la mini-série « Anna Karenina » de la BBC de 1977 réalisé par Basil Coleman; l’avez-vous vue ?
A Edward
Non mais il y a eu une version récente d’Anna il me semble. Pas celle avec Marceau qui est terrible
à Bertrand: « une version récente d’Anna il me semble. Pas celle avec Marceau qui est terrible »
terrible bien? ou terrible catastrophe?
A MB
Pas fameuse et Marceau n’était pas à la hauteur du role (sans doute aussi mal dirigée)
à Bertrand: Ah, merci, Bernard Rose est une déception personnelle car j’espérais que CANDYMAN annonçait un cinéaste attachant: dans ce dernier, l’approche du fantastique par le chemin scientifique (l’héroïne étudie les légendes urbaines, ce qui la mène au monstre du titre, joué par l’impressionnant Tony Todd), et quelques trouvailles de filmage (plan aériens de quartiers urbains…), était très efficace. C’est souvent un bon moyen d’approcher le fantastique, cf THE THING de Hawks ou certains 4eme DIMENSION. Il ne s’agit pas d’être vraisemblable scientifiquement mais de fournir juste une impression scientifique au spectateur.
Todd a joué en France, tout aussi impressionnant, dans un film très étrange et très érotique de Virginie Wagon, LE SECRET en 2000. je dirais même l’un des rares films où l’érotisme est vraiment singulier.
Quant aux légendes urbaines, il faut absolument lire les bouquins de Campion et Renard, source d’idées de films, et très distrayants!
Il en naît tous les jours, tiens! la dernière: la légende du Cabinet Noir…
Effectivement, de Joe Wright avec Keira Knightley et Jude Law. Les critiques sont très partagées. Votre éclairage aurait aidé …
Pas extraordinaire ni catastrophique contrairement au B Rose (qui auparavant avait réussi à mon sens Paperhouse mais aussi Candyman).
Les grands romans russes du XIX ème n’ont pas toujours de la chance mais on peut retenir:
-Guerre et paix de S Bondartchouk souvent décrié mais traversé de vraies beautés lors des scènes de bataille d’une ampleur inégalée pour la période napoléonienne si ce n’est par SB lui-même dans son Waterloo ou Gance dans Napoléon.
-L’idiot de Kurosawa vraiment passionnant dans sa modernisation
-Crime et châtiment très librement adapté par Sokourov dans Pages cachées
Anna Karénine attend son Bertrand Tavernier, son Andrea Arnold ou son Stéphane Brizé en somme!!!
Gray ne serait pas mal du tout pour un grand roman russe.
Oui, cet AVEC LE SOURIRE est réellement gonflé! A l’instar de Maurice Chevalier, Marie Glory est sympathique dans un premier temps, puis finit par épouser le vice candide de son compagnon, qui le lui reprochera d’ailleurs. Le film laisse un drôle de goût dans la bouche. Je me suis demandé jusqu’à quel point les auteurs avaient eu conscience du cynisme de leur matériau, l’extrême fin du film possédant une tonalité alternative qui semble de justesse vouloir retrouver la légèreté du début. Mais à ce stade, le spectateur n’est plus dupe. André Lefaur est super également et sa déchéance comme portier sonne comme un écho inattendu à la fin du DERNIER DES HOMMES, de Murnau, et le presque gros plan de Maurice Chevalier, qui explique à son ancien patron que si il avait souri un peu plus, il n’en serait pas là, a quelque chose de glaçant. Une œuvre aussi curieuse que réussie.
Etonnant que « des gens sans importance » soit si peu connu.
Je me demande si ce n’est pas le Gabin que je préfère.
Si quelqu’un fait un jour une thèse sur les films à camions, il ne faudra pas oublier celui-là.
Pareil pour une thèse sur le cinéma défendant le monde ouvrier!
Sur De Funès, je viens de lire qu’on lui avait proposé Astérix et qu’il avait refusé par dégoût de la moustache.
Mais De Funès, ce n’est pas du tout Astérix. C’est Iznogoud !
Bon, pour Iznogoud, c’était carrément la barbouze…
A Minette Pascal
Dans les films de camion et de classe ouvrière, il y a aussi GAS OIL, en laissant tomber l’intrigue policière médiocre, ce que sentait Grangier. Mais l’amitié Gabin Bozzufi…Il est impossible de désigner le meilleur Gabin : il a tout le temps été bon et génial des dizaines de fois. Rien que dans l’après guerre EN CAS DE MALHEUR, TOUCHEZ PAS AU GRISBI, LA VÉRITÉ SUR BÉBÉ DONGE et le splendide et méconnu DÉSORDRE ET LA NUIT qui vient d’être restauré par Pathé
A Bertrand Tavernier
Peut-on considérer qu’il existe une catégorie de Jean Gabin placée sous le signe de l’amertume, plus que du tragique, de la mélancolie ou de la truculence ? Des films dans lesquels le personnage de Gabin s’affirmerait par la bande, le retrait, la soustraction : sa naïveté débouchant sur l’horreur de la fin de VOICI LE TEMPS DES ASSASSINS, largement commenté ici, le cocufiage du SANG A LA TETE ou la démission de la police pour pouvoir vraiment aller au bout de son enquête dans ce beau, effectivement, DESORDRE ET LA NUIT que je viens de découvrir..
A propos de ce dernier film, l’actrice Nadja Tiller dans le rôle de la jeune toxicomane m’a fait penser physiquement à la plus récente Vinessa Shaw, qui est la première prostituée que rencontre Tom Cruise dans ses pérégrinations nocturnes d’ EYES WIDE SHUT. Le jeu des correspondance physique est futile mais il m’amuse beaucoup..
A ALEXANDRE ANGEL
Très intéressante question. Peut être dans les films de l’après guerre (encore qu’il y ait du tragique dans LE CHAT et dans le magnifique EN CAS DE MALHEUR). Les films avec Grangier sont plus en mineur. Grangier contrairement à la plupart de ses collègues n’aimait pas la noirceur. Il avait trop de chaleur humaine. Cela dit, il triomphe de petit jeune qui le fait cocu (« notre force à nous c’est l’armoire à linge). Avant guerre, il est le héros prolétaire (le premier) et tragique. L’époque ne prête pas à la nostalgie
Je ne sais pas quel chemin politique Gabin a suivi. S’il en a eu un , car je crois qu’il méprisait un peu la question. Pourtant, il se réclamait plutôt de la droite ,à ce que j’ai entendu, à la fin de ses jours ?
C’était un idéal porte-drapeau pour les humbles, une image formidable de l’ouvrier, de celui que la naissance n’a pas gâté, qui n’a pas eu besoin d’être instruit pour être digne et éduqué.
A Minette,
il gardait un faible pour le Front populaire, en voulait à Renoir de sa conduite. Il s’est engagé dans la France Libre, s’est battu et au retour a retrouvé sa ferme pillée, d’ou une réelle amertume. Mais dans GAS OIL, DES GENS SANS IMPORTANCES, LA NUIT EST MON ROYAUME, LE CHAT on sent encore qu’il reste un ideal. LE PRESIDENT lui convient bien
D’accord avec vous sur « Carambolages », que j’ai découvert lors de sa diffusion en version restaurée sur Arte il y a quelques mois. J’y ai trouvé une inventivité certaine de comédie, notamment ce plan de travelling au sol dans une rue, suivant le policier qui vient de trouver le corps d’un personnage (pas de spoiler !) tué par une chute, qui injecte un de l’énergie et de l’urgence à ce moment du film.
La restauration de ce film remet un peu en avant Marcel Bluwal, qui n’a jamais jamais vraiment décollé au cinéma après cette comédie assez jeune, et qui après 30 ans de réalisation à la télévision, réalisa « Le plus beau pays du monde », film inverse de « Laissez-Passer », racontant sous l’Occupation la production d’un film nationaliste sur Mermoz par des producteurs français vichystes.
Bonjour Mr Tavernier.
Je vous écris car je souhaiterai écrire un film de quête au trésor sur une île mais en y introduisant un univers de manipulation : quête du trésor, quête d’identité, l’ile comme monde fictionnel, rapport des habitants à leur île et à l’étranger, l’ile comme territoire autonome, le parasitage, la manipulation comme élément de survie. Pleins de références se bousculent dans ma tête : Shutter Island, les saisons de maurice pons (pour l’univers décrit proche de l’enfer), victoire de conrad, l’ile mystérieuse,le trésor de la sierra madre,l’ile panorama,l’île aux trentes cercueils, lost… j’ai regardé plein de films sur le sujet de la manipulation reprenant mes classiques , les films noirs et les films de Mankiewicz, polanski, nolan, welles, bref je voulais savoir si ce sujet a déjà été traité et s’il pourrait faire un beau film.
Je sais qu’ici on discute plus des films des autres que des films en construction mais bon…en vous remerciant
Si l’on m’avait prédit il y a encore peu de temps que j’aurais envie d’écrire sur un film de Claude Lelouch, je ne l’aurais assurément pas cru (bien que certains jalons de sa filmographie aient leur charme). C’est pourtant ce que j’ai eu envie de faire en sortant de la projection de SALAUD,ON T’AIME car j’ai bien aimé ça. Je l’avais d’ailleurs pressenti à la vision d’une bande annonce que je trouvais intrigante. Contre toute attente, je pense que c’est une bonne surprise et croyez-moi, amis blogueurs, ce n’est pas un fan, loin s’en faut, qui s’exprime. Les Cahiers du Cinéma, dans un violent accès de haine dogmatique (dont le subtil NEBRASKA, d’Alexander Payne, a également fait les frais) l’exécutent froidement de la saillie suivante : « cinéma de droite complètement gâteux ». Alors que pour la première fois, j’ai eu, au contraire, le sentiment d’une maturité (je n’ai pas vu ROMAN DE GARE qui a sa réputation). Bien sûr on retrouve les travers habituels (dialogues plats, clichés, aphorismes, scénario improbable)mais gérés avec une plénitude, une amplitude même qui m’ont pris de cours. Paysages, animaux, Johnny himself, tout est beau à regarder et Sandrine Bonnaire est remarquablement filmée, sans afféteries, telle qu’elle s’offre à la caméra. Et ce décor de chalet, qu’il soit couvert de neige ou baigné de soleil, est imposant et impressionne la mémoire comme une sorte de projection mentale. La séquence attendue où Johnny et Eddy Mitchell visionnent RIO BRAVO est plaisante et finement troussée. Je ne crie pas au génie mais l’opus m’inspire autre chose que le mépris des snipers d’une certaine presse. Il fallait que ça sorte.
A Alexandre Angel
Merci et bravo. NEBRASKA est aussi un fort bon film, personnel, à l’écart de la mode (ne serait ce que par l’age des protagonistes en rupture avec la dictature des ados style SWING BREAKERS). Et ces films comme des dizaines d’autres (de CASQUE D’OR à LA PRISONNIERE DU DESERT) survivront à ces éreintements
je conseille vivement à tous l’ensemble des films d’Alexander Payne(The descendants,Sideways ou meme Monsieur Schmitt).Ce réalisateur se détache complètement de tous ces pauvres tacherons d’Hollywood qui nous prennent pour des gogos ,pret à payer 10 euro pour voir des merdes en images.Payne se rapproche des premiers films de Redford.
à Rouxel: pas du tout d’accord sur DESCENDANTS dont je n’ai pas vu l’intérêt mais au contraire un gros tas de conventions à tel point qu’il aurait pu être signé X ou Y, mais absolument d’accord sur l’excellent SIDEWAYS qui transcende avec désinvolture et goût un sujet mille fois traité, quant à Mr SCHMIDT c’est un chef d’oeuvre et pas que grâce à Jack! Certains clichés y sont joyeusement dégommés et personne n’est racheté: le marié RESTE un couillon (certes sympa) et la mariée fille de Schmidt apparaît quand même un peu à l’ouest et n’est jamais mignonne ou émouvante: pas de réconciliation larmoyante avec papa, Katy Bates n’est pas rachetée de ses défauts ou excès non plus, comme les autres, par une espèce de rédemption du happy-end comme à l’habitude à Hollywoodland! Il faut absolument que je voie ELECTION et CITIZEN RUTH, les avez-vous vus?
ELECTION c’était L ARRIVISTE en France, le sujet me plaît.
La bande annonce de The homesman de T Lee Jones est enfin visible et annonce un western à la photographie particulièrement soignée et un rapport aux femmes fort.
Je l’attends avec confiance.
Croisant cette actualité avec celle de visionnages TV, j’ai pu découvrir hier soir sur Canalsat Comes a horseman de Alan J Pakula sur lequel vous (ou JP Coursodon …mais mon petit doigt me dit que vous êtes l’auteur de cette entrée Pakula!)futes sévère dans 50 ans de cinéma américain. « darmaturgie pesante, balnale voire mélodramatique » ai je pu lire, il est vrai contrebalancé par des louanges mérités envers la photo de Gordon Willis.
Oui, la photo est magnifique et ce n’est pas tout: j’y vois un sens aigu de l’espace ce qui n’est guère évident pour un auteur vraisemblablement peu à l’aise avec le genre d’après ce que vous dites.
Le scénario est « classique » mais pas plus que dans tel Mann ou Boetticher, les personnages sont bien écrits et interprétés avec naturel par J Fonda, J Robards ou J Caan voire le futur Alvin Straight de Lynch,Richard Farnsworth.Le récit amoureux se construit sans chichis inutiles.C’est une épure assez émouvante et âpre, un titre à réhabiliter à mon humble avis.
En plus ce western moderne rejoint qqs autres titres récents tels que The hilo country assez méconnu néowestern de s Frears ou De si jolis chevaux de B Thornton (ad’près le roman de Coramc mac Carthy qui lui est mille fois supérieur)voire le plutôt surestimé Brokeback mountain.
Autre veine dont il est un beau représentant: le western au féminin qui, bien que minoritaire, comporte qqs beaux titres.Je pense notamment à Convoi de femmes de Wellman pour prendre un classique,au très sobre avnat dernier film de
Désolé, fausse manipulation:
je voulais dire « au très sobre avant dernier film de K Reichardt La dernière piste pour prendre un film récent. »
Il faudra sûrement rajouter le dernier film de TL Jones à ces titres.Sortie prévue en mai???
A Ballantrae
Le film est extremement réussi, exigeant. C’este oeuvre très solitaire dans la production actuelle. Et à part dans l’histoire du genre. Qui aborde un sujet évacué le plus souvent dans le western (ou ramené à la périphérie avec des personnages épisodiques, divers excentriques souvent joués par Hank Worden) : la maladie mentale surtout quand elle s’attaque au femme.Le film commence ou s’arrête THE WIND. C’est la face sombre et inversée de CONVOI DE FEMMES. Le propos est âpre, dur (il y a quelques personnages masculins particulièrement épouvantables), avec des scènes sans concession ni compromis. Mais il est aussi empreint de compassion, de tendresse. De respect envers tous les personnages de femme (la manière dont est filmée la nudité est remarquable). Avec aussi une forme de légèreté, presque des moments de farce (incroyable dernier plan). Visuellement le film est fort beau et surtout extraordinairement personnel, peu formaté, original. On senst respirer l’auteur dans chaque plan. Interpretation impressionnante d’Hillary Swank, aussi étonnant que dans le Eastwood et quasiment géniale de TLJ qui s’est métamorphosé
Pour ceux et celles qui aiment les westerns, je conseille la « trilogie » de Walsh : « La vallée de la peur » (avec le grand Mitchum), « La rivière d’argent » (un grand rôle pour Errol Flynn assez amoral) et « La fille du désert » (magnifique Virginia Mayo). On se rend compte que Ford n’était pas forcément le seul à savoir filmer les décors extérieurs dans les westerns notamment ce village « fantôme » de Todos Santos dans « La fille du désert » qui ressemble à celui de « Fort Massacre » avec le même McCrea. Comme vous le dites monsieur Tavernier, et c’est fort dommage, Walsh semble un peu oublié aujourd’hui alors que c’est un immense réalisateur (un de mes premiers plaisirs cinématographiques quand j’étais gosse, ce sont « Les aventures du capitaine Wyatt » avec ces poignées de mains interminables entre Cooper et Arthur Hunnicutt !)
A Maxou37
Moi aussi, j’ai découvert avec bonheur WYATT et je n’ai jamais oublié le choc provoqué par ce film et l’apparition de Gary Cooper jetant ses poissons aux aigles (deux fois le même). Personne n’a dit que Ford était le seul à savoir filmer les extérieurs. Il fut un des premiers à les imposer systématiquement mais Daves (ultra lyrique et élégiaque), Mann (plus dense, plus noir), de Toth (même dans les Randolph Scott il y a des recherches. Et que dire de DAY OF THE OUTLAW) sans oublier Parrish, Henry King, Altman. Mais chez Walsh, il y avait parfois un sens cosmique dans son appréhension de la Nature : l’ouverture du génial PURSUED. Et récemment Tommy Lee Jones dans THEREE BURIALS et the HOMESMAN qui est un film superbe, une oeuvre fière et solitaire, a très bien su choisir et filmer les extérieurs
Apparemment, vous avez vu le dernier T L Jones.Vous en dites trop ou pas assez!