Films Roumains, Iraniens et Japonais
28 novembre 2011 par Bertrand Tavernier - DVD
Je signale le dvd offrant les deux films de Cristian Mungiu, celui qui remporta à juste titre la palme d’or (4 MOIS, 3 SEMAINES) et les Contes de l’Age d’Or, suite de « légendes urbaines », désopilantes, grinçantes, décapantes sur l’ère Ceausescu. Il y en a plusieurs qui valent les meilleures réussites de Risi, notamment celui qui montre les affres des journalistes qui s’essaient à retoucher une photo pour le guide suprême soit plus grand que Valery Giscard d’Estaing ou cette attente d’une visite de Ceausescu qui met à jour les différents degrés de la servilité. Et ce cochon dont la présence va bouleverser plusieurs vies. Du cinéma qui montre que le rire peut être tranchant, lucide et fort peu démagogique.
La sortie de l’admirable UNE SEPARATION de Asghar Farhadi m’a fait me précipiter en salle sur ses précédents, notamment A PROPOS D’ELY. Même sensation d’urgence, même impression de sentir battre à même l’écran le cœur des personnages, l’âme d’un pays, une âme occultée par ses religieux et ses politiciens : personnages vibrants, déchirés, passionnés, bloqués mais aussi inspirés, soutenus par certaines règles, certains interdits, une culpabilité latente qui se heurte au désir, à la soif de bonheur. Même changement de point vue qui met à mal nos certitudes, nous fait découvrir une justice qui prend son temps, pose parfois de bonnes questions. Ne pas manquer ces films ni ceux de Jafar Panahi, cinéaste essentiel.
Un des derniers films de Kaneto Shindo dont on montra à Lyon l’ILE NUE (à la demande de Benicio del Toro qui le présenta), LE TESTAMENT DU SOIR est une totale surprise. Une surprise à cause d’abord de son incroyable liberté de ton : le film change plusieurs fois de couleurs, de registres. On passe du drame à la farce, d’une séquence théâtrale à des plans retenus, délicats, murmurés. Un délinquant hystérique surgit brusquement au beau milieu d’un petit déjeuner, terrorise plusieurs vieillards avant de se faire arrêter par une énorme troupe de policiers. De brusques flashes back trouent la narration et de temps en temps on voit un fantôme. Tout cela arrive par surprise, sans être préparé. Audace incroyable, les quatre protagonistes du film – 3 femmes et un homme – sont âgés et certains s’affrontent en de longs et beaux plans fixes. Notamment ce moment où l’héroïne, une actrice, tente de raviver la mémoire d’une comédienne atteinte d’Alzheimer, en lui récitant la Mouette. Il y a aussi une très jeune fille qu’on voit entièrement nue (chose rare dans un film japonais) et qui participe à un « mariage d’essai » pour tester son époux, cérémonie marquée par une danse phallique et une pénétration en public comme au XVIème siècle. La jeune fille dit en riant que c’est une très vieille tradition qu’on maintient dans ce village.
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Commentaires (18)
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Bonjour,
Si vous avez été bouleversé par « Une Séparation », je me permets de vous conseiller « Les Enfants de Belle-Ville », le 2ème film d’Asghar Farhadi qui vient de ressortir en salles actuellement. On y retrouve ses thèmes fétiches, comme l’inégalité hommes-femmes, le poids de la religion, le sens de la culpabilité, et déjà une mise en scène subtile, faite de cloisonnement et de séparation. Vraiment émouvant. Il existe également La Fête du Feu, son 1er long métrage, en DVD.
Et merci de citer Jafar Panahi, autre cinéaste iranien dont on connaît les difficultés… J’ai pour ma part découvert un de ses films en salles, datant de 1997, vraiment habile et intelligent, posant pleins de questions à travers le regard d’une fillette perdue dans la jungle urbaine, « Le Miroir ». J’espère que ces conseils vont vous intéresser…
Et bravo pour ce blog, vraiment très riche en références.
岛上裸体或时间停止
Merci à tous pour vos précisions en ce qui concerne le long métrage « la belle équipe » de DUVIVIER.
Ayant vu, par le passé, les deux versions – j’ai un faible pour la fin tragique : celle du réalisateur – j’aurais souhaité les avoir – les deux fins ! – en format DVD. Je vais donc m’armer de patience et, surveiller l’affaire …
Les Contes de l’Age d’Or écrits et produits par Mungiu sont proprement stupéfiants, après le coup de massue de 4 Mois…, ces six courts-métrages sont admirables de légèreté, de finesse, de maîtrise, un métier dans la mise en scène, dans le travail des acteurs, au-dessus de tout, j’ai une petite réserve sur la Légende du Livreur de Poules, à cause de son côté elliptique et que ce soit le seul qui soit vraiment triste, mais je ne saurais louer trop la réussite de ce film à sketches. C’est simplement admirable, je suis stupéfait, je n’ai pas compris qui avait réalisé quoi mais je vais guetter les noms de ces cinéastes qui ont peut-être déjà sorti des films qui m’ont échappé. Deux chefs d’oeuvre dans le même objet dvd (double), ça mérite d’être signalé!
Salut Bertrand. Carrément d’accord pour une Séparation.
Sinon je t’ai entendu à propos de Scorsese sur Inter l’autre jour, c’était intéressant. T’es cordialement invité sur ASBAF (.fr), on est le blog cinoche le plus lu de France simplement parce qu’il est facile de faire différemment du reste, on estime être libres et indépendants. Nos articles te plairont peut-être.
La bise.
L.M.
Pour « La Belle Equipe », les droits sont bien revenus à Christian DUVIVIER; si ce dernier sort un DVD, il n’y aura que la fin « pessimiste » (qui était privilégiée par Julien DUVIVIER); le DVD de René CHATEAU (avec les 2 fins), pour ceux qui le possèdent est de ce fait une pièce de collection.
Bonjour à vous,
Je suis à la recherche, depuis un certain temps déjà, du dvd de La Belle Equipe de DUVIVIER; mais, sans succès …
Est-ce normal ?
Merci d’avance.
A Alexandrine Balagna,
Un problème légal opposait Christian Duvivier et René Chateau. Après des années, je crois que les droits sont revenus à Duvivier.
Bonjour,
précisément, il s’agirait d’un désaccord de la part des héritiers Duvivier à propos de l’obstination de René Chateau de continuer d’exploiter la fin « optimiste » de ce film, contrairement, selon eux, à la volonté initiale du réalisateur qui jugeait la fin « pessimiste » plus significative et cohérente.
A YANN
On peut penser que mettre les deux fins, la pessimiste en premier serait un bon compris. La fin noire m’a toujours paru un peu forcée
le dvd 2 de « pursued » de Raoul Walsh est-il disponible?
A Lecomte
en zone américaine a ma connaissance
Pursued en zone 1 uniquement, sans sous-titres et dans une copie exécrable, non restaurée et mal numérisée qui ne rend absolument pas justice au travail de James Wong Howe.
PURSUED existe en Zone2 en Allemagne sous le titre VERFOLGT mais avec pistes anglaise et allemande et sous-titres allemands;j’avais déjà questionné SIDONIS sur ce film; il n’est hélas pas dans leurs prévisions.
Dans mon souvenir, la copie était très belle. Alors, je l’ai revue… Pas si bien que ça, même si ce n’est pas catastrophique non plus… (C’était mon souvenir du film, qui était formidable et a magnifié la copie. Désolé pour la mauvaise info donnée un peu vite.)
Zone 1, sans sous-titres, mais très belle copie restaurée. (distribué par « Artisan », 2003.)
L’ile nue ou le temps s ‘est arrete, unique ,marquant, peut etre une piste sur l’ influence du cinema,une fenetre ouverte sur la condition humaine…et quelle musique lancinante qui reste grave a tous ceux qui ont vu ce film…
Très courte sélection mais très intéressante cra elle invite à élargir notre connaissance de trois cinéastes connus au delà de leur titre phare:
-C Mungiu ( comme son confrère L Pintilie) excelle autant sur un format long que sur des formats courts.Ses Contes…vus à la tv valent le coup d’oeil et possèdent une ironie assez hallucinante.Les Roumains comme nombre de cinéastes de l’Est ont une causticité incroyable et cet humour salvateur relève souvent d’un vrai courage politique.Nous aurions bien besoin ces temps-ci de ce type de regards sans concessions.il me tarde de voir L’exercice de l’état, peut-être l’y trouverai-je?
-A Farhadi existait bel et bien avant Une séparation et il est sûr qu’il existera au delà tant A propos d’Eli brille par son propos intelligent, son sous texte subtil (là aussi, il s’agit d’un cinéma politique au sens le plus noble), sa mise en scène au cordeau, sans oublier ce changement de point de vue fondé sur une disparition qui troue le film comme le fit il y a des années Antonioni
-vous revenez sur K Shindo à ma grande joie car avec Yoshida et Wakamatsu et en attendant Naruse il s’agit de ma grande découverte japonaise de ces dernières années.Pouvez-vous en dire plus sur l’édition DVD? J’imagine déjà un film iconoclaste à la Imamura tant l’étrangeté et l’impertinence semblent reines dans ce film comme elles l’étaient dans Eijanaika,Docteur Foie, L’anguille ou De l’eau tiède sous un pont rouge…