Films français connus, méconnus, oubliés
21 février 2012 par Bertrand Tavernier - DVD
Dans l’indispensable collection rouge de la Gaumont, quelques curiosités. En premier lieu, LE RIDEAU ROUGE, seule réalisation du metteur en scène de théâtre André Barsacq (le résultat n’est pas totalement concluant), écrite (et codirigée ?) par Anouilh, lequel donne son vrai ton, sa vraie couleur, son originalité au film. On retrouve certains de ses thèmes, de ses préoccupations, les rapports entre le théâtre et la vie.
Des comédiens répètent Macbeth sous la direction d’un metteur en scène tyrannique (Michel Simon) qui est assassiné. Lors de l’enquête policière, on découvre les correspondances entre la pièce et la vie, la manière dont la vie privée des protagonistes recoupait, décalquait l’intrigue shakespearienne. Le flic qui s’acharne à voir Macbeth jusqu’au bout (Olivier Hussenot, très marrant), découvrira le meurtrier et son mobile, triomphant sur son collègue, pétri d’ignorance, qui déteste le théâtre (l’excellent Jean Brochard). Cet étrange plaidoyer pour l’Art Dramatique, assez raide dans ses effets de miroirs, nous permet de voir le théâtre de l’Atelier, la place et les rues qui l’entourent. Je trouve que Brasseur est un Macbeth tonitruant et pas du tout convaincant, qu’il a du mal à apprivoiser la langue de Shakespeare et que Monelle Valentin est nulle. En revanche, Noel Roquevert, formidable en cabot qui veut vous faire profiter de tous les rôles qu’il a joués, vole le film même si d’autres acteurs sont savoureux, en particulier Marcel Peres, en bruiteur.
Viennent de sortir DEUX SOUS DE VIOLETTES, le seul film vraiment réalisé par Anouilh, et LA CHAMBRE ARDENTE que j’ai trouvé plus visible que je m’y attendais. Certes, Duvivier et Spaak dans leur adaptation, massacrent l’énigmatique et complexe roman de John Dickson Carr (incompréhension de cette famille de scénaristes devant une littérature policière anglo-saxonne ; cf. l’échec du MEURTRIER, de Lara et d’Aurenche), n’en retiennent pas la construction, délocalisent l’intrigue dans la Forêt Noire (pourquoi n’avoir pas gardé la France ? Il faudrait étudier l’attrait néfaste que l’Allemagne a exercé sur certains cinéastes français dans les années 50, notamment Duvivier qui y tourne MARIANNE DE MA JEUNESSE, L’AFFAIRE MAURIZIUS ; ce n’est pas seulement une affaire de coproduction) ce qui rend tout solennel et difficile à comprendre (comment relier la marquise de Brinvilliers et l’Allemagne ?). Mais Claude Rich (qui avait su apprivoiser Duvivier) est formidable, Brialy pas mal, Edith Scob (Duvivier reprend des acteurs de la nouvelle génération) défend un personnage incompréhensible. Mais la palme revient à Piéplu qui s’est fait une tête irrésistible de policier allemand et qui bénéficie du meilleur dialogue. Il justifie la vision du film. Duvivier, qui était très en souffrance à cette époque face au mépris qu’on lui témoignait (j’aurais dû le rencontrer, lui parler), lutte pour dynamiser cette histoire, aligne des cadres recherchés, sophistiqués, des plongées, s’essaie au cinéma de genre. Au passage, de manière presque godardienne, il mélange musique et dialogue lors du dernier dialogue entre Brialy et Nadia Tiller, laquelle remet plusieurs fois ses bas, ce qui était l’une de ses spécialités.
L’ASSASSIN HABITE AU 21, premier film coécrit et réalisé par Clouzot, est une réussite. Mineure peut-être, quand on pense au CORBEAU et à QUAI DES ORFÈVRES, mais très prometteuse et réjouissante. J’avoue ne pas comprendre la hargne de Paul Vecchiali contre Clouzot. On ressent dans ce film, traité parfois à la blague, un plaisir à raconter une histoire, à inventer des coups de théâtre, une manière de faire feu de tout bois. Les meurtres filmés en caméra subjective, la description de la pension de famille avec ses personnages hauts en couleur, les échanges dévastateurs entre Mademoiselle Vania et le docteur Linz, Roquevert, encore une fois génial (« Vous avez regardé par le trou de la serrure » – « Je n’aime pas le spectacle des ruines » ou alors « J’ai une idée brillante » – « Vous abandonnez la littérature »), la manière dont l’inspecteur Wens comprend ce qui se passe et surtout la manière dont la Suzy Delair – merveilleuse – le réalise à son tour au milieu de son tour de chant, tout cela est du meilleur Clouzot.
On doit voir aussi la première des aventures de Monsieur Wens, toujours joué par Fresnay, avec encore Suzy Delair et écrite par Clouzot d’après Stanislas André Steeman, LE DERNIER DES SIX, dirigé par Georges Lacombe à qui on doit les excellents CAFÉ DE PARIS, DERRIÈRE LA FAÇADE, l’émouvant LA NUIT EST MON ROYAUME et le beaucoup moins bon PAYS SANS ÉTOILE sans oublier le terne MARTIN ROUMAGNAC. Le résultat est des plus divertissants, avec des dialogues assez marrants. On sait que Lacombe refusa de tourner une scène de music-hall qu’il jugeait pléonastique, il fut remplacé, je crois par Jean Dréville et vit son contrat à la Continental annulé. Fresnay et Susy Delair sont là aussi formidables.
Je n’avais jamais vu et j’en ai honte DAÏNAH LA MÉTISSE de Jean Grémillon. Ou plutôt ce qu’il en reste, car le film fut massacré. Il reste 4 bobines, suffisamment fortes, intrigantes pour nous faire rêver sur ce qui a pu être coupé. Première originalité, l’histoire qui met en scène parmi les personnages principaux, un docteur noir (joué avec élégance par Habib Benglia ; y a-t-il un personnage équivalent dans le cinéma américain de l’époque ?), sa femme Daïnah, à la peau plus claire (on pense à SAPPHIRE) qui attire toutes les convoitises sexuelles. Il est possible que Grémillon et Charles Spaak aient pensé à Othello.
On rentre dans l’histoire comme par effraction (il y a 34 plans – de mer, d’oiseaux, de bateau – entre le générique et la première scène) mais il y a tant de détails insolites, tant de plans étranges, esthètes (caméra basse avec avant-plan, contre-plongée à effet, plongées dans les coursives, les escaliers) qu’on reste accroché, touché, ému malgré les trous. Et il y a cette incroyable séquence de danse, avec ces passagers masqués qui vont être témoins du numéro incroyablement sensuel que Daïnah, oubliant son partenaire, effectue sur la piste. Moment violent, rare, unique. A noter qu’on entend beaucoup de morceaux de jazz, Chloe, Little White Lies, St Louis Blues, Limehouse Blues et I’m Confessing. Paul Vecchiali qui parle si bien de Grémillon est muet sur ce film dans son Encinéclopédie.
Dans LES TRUANDS, pochade assez quelconque de Carlo Rim, on peut retenir la prestation d’Yves Robert qui finit par jouer un ultra-centenaire et Eddie Constantine, aux prises avec Noël-Noël. La ballade des truands écrite par Rim est une très bonne chanson et il en existe une version par Constantine.
Il me reste à revoir L’ALIBI, L’AFFAIRE MAURIZIUS de Duvivier.
J’ai adoré revoir LE SAUVAGE de Jean-Paul Rappeneau, très bien restauré par Studio Canal. C’est une comédie éblouissante qui retrouve le rythme, l’allant, le charme, le sex-appeal des meilleures comédies américaines. Tout ce qui se passe sur l’île est une merveille, avec un dialogue inspiré de Jean-Loup Dabadie, une très belle musique de Michel Legrand (l’installation des deux héros dans la maison devrait être étudiée par tous ceux qui veulent devenir compositeur pour le cinéma, la manière dont Legrand joue avec les dialogues, s’insinue dans les actions, les épouse et en décuple le charme). Rappeneau passe de la cocasserie la plus débridée (la manière dont Deneuve pourrit la vie de Montand, lui pique son poisson, le harcèle d’offres commerciales) à de soudaines bouffées d’émotions, de vérité, de vie. Deneuve est inouïe de rapidité, de drôlerie, de vivacité. Elle est craquante à chaque instant, sensuelle, sexy (le premier et seul baiser est magistralement amené ; sa manière de dire « Quelle heure est-il ? » et d’embrasser Montand vous emplit de bonheur), imprévisible (sa manière de partir à vélo sur le ponton). Montand trouve là le rôle de sa vie, avec les Sautet, et on est même un peu surpris de découvrir à quel point il avait peur du rôle, du film. Il a souvent eu des principes rigides, des idées idiotes (Montand ne peut pas être juste un garçon, il doit être maître d’hôtel) qui ont abîmé des films comme justement GARÇON où il a fait rajouter des tas de scènes pour justifier qu’il ne soit que garçon. Sautet en a éliminé pas mal dans le DVD. Mais il est aussi génial dans LE SAUVAGE que dans CÉSAR ET ROSALIE.
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A propos de Georges LACOMBE, j’ajouterai LA LUMIERE D’EN FACE, excellent film noir qu’on croirait adapté de James CAIN ou de Jim THOMPSON, si ce n’est la fin, une sorte d’happy end qui ne sonne pas juste par rapport au reste du film, on la croirait ajoutée ou modifiée sur la demande d’un producteur. La photo de Louis PAGE est très réussie, notamment tous les plans larges de la station service et du bistrot (autre aspect américain du film et qu’on a l’impression d’avoir déjà vu filmé en Arizona ou au Nevada). Raymond PELLEGRIN et Brigitte BARDOT sont très justes et très sobres dans des rôles dont les acteurs pourraient facilement en faire des caricatures.
Mr Tavernier cite les répliques de N. Roquevert dans l’ASSASSIN HABITE AU 21. Il aurait pu ajouter celle que ce formidable comédien assène à l’acteur Génin (je crois) qui se vante d’avoir « râclé un peu de violon. »
– Râcler est le mot juste. »
Il m’arrive de rigoler tout seul en y repensant.
Readers of this blog who have open region players and can do without either French or English subtitles might be interested to know that Losey’s THE LAWLESS and Cassavetes’s TOO LATE BLUES are coming May 22nd from Olive Films here in the US of A. I can vouch for the the visual and audio quality of their releases on the basis of the beautiful Blu-Ray of Fassbinder’s DESPAIR and the DVD of Dieterle’s DARK CITY. Now if we could only get INTERPOL or some other international body to require, at the very least, subtitles of the language being spoken in the film,even in the selfsame language, if the distributors aren’t up to throwing a few pence to starving graduate students to translate what’s being said into French or Englsh, respectively, for the benefit of the two most soigne filmgoing audiences in the world. Respectively.
Dans la collection rouge de Gaumont (et dans un genre plus mineur), allez-voir aussi du côté de Jess Franco.
Son CARTES SUR TABLE (1966) est hilarant : les dialogues et le scénario de Jean-Claude Carrière y est pour beaucoup… Franco et Carrière s’amusent à parodier le film d’espionnage avec un Eddie Constantine en pleine forme, décors en toc, chinois ridicules et méchant joué par Fernando Rey. Il faut voir les services secrets proposer à Constantine toutes sortes de gadgets inutiles (« vous avez vu trop de James Bond » leur répond t-il). Tout celà donne un film ouvertement surréaliste et même si la mise en scène n’est pas fracassante, il est assez rare et amusant pour être signalé (Tulard ne le mentionne pas dans son dictionnaire). Dans la même collection, on trouve aussi LE DIABOLIQUE DOCTEUR Z du même duo Franco-Carrière.
J’ai également hâte de découvrir DAINAH LA METISSE : un rare Grémillon dont vous parlez justement.
Vient de sortir en Blu-ray une version complètement restaurée – à partir du négatif original – de LA GRANDE ILLUSION de Jean Renoir.
Espérons que les éditeurs aient l’idée de la copie DVD pour les milliers de cinéphiles qui sont restés à ce format et qui méritent de voir cet immortel chef-d’oeuvre dans d’excellentes conditions.
Bonjour Bertrand,
je partage votre enthousiasme à propos du SAUVAGE que j’ai vu il y a trop longtemps. Deneuve, qui parfois m’agace par ses manières de, est magnifique. Par contre, dire que Montand y trouve le rôle de sa vie avec les Sautet, me semble réducteur.
Vous parliez de Clouzot, et bien dans LE SALAIRE DE LA PEUR, Montand est dèjà époustouflant dans un des ses 1ers grands rôles et surtout face au monstre sacré Charles Vanel. Dans les films de Corneau et Costa-Gavras, Montand était remarquable d’intensité et de gravité. La légèreté de LA VIE DE CHATEAU, LE DIABLE PAR LA QUEUE et même LA FOLIE DES GRANDEURS, prouve qu’il avait aussi un réel potentiel comique qu’il n’exploita pas totalement par la suite.
Enfin, reléguée au second plan par la performance de Daniel Auteuil, son incarnation du papet chez Berri n’en était pas moins admirable et montrait un talent intact, même au crépuscule de sa vie.
Par contre, je suis plus mitigé avec LE PROCES DES DOGES, d
Cher monsieur,
Je me permets de vous contacter par ce blog, même si je sais bien que ce n’est pas là son but ; je ne sais à vrai dire par quel biais vous joindre.
Le hasard fait que ce message, projeté depuis un moment, est rédigé en vous écoutant sur France-culture ; je mentionne celà puisque vous parlez d’une riche convivialité que vous avez vécu dans votre famille, et que vous avez voulu transmettre dans vos films.C’est bien pour moi ce qui caractérise votre cinéma et votre personne, et qui vous rapproche de gens comme Renoir.
Mais je ne voudrais pas être flagorneur.
Le but de ce message est de vous signaler la création d’un spectacle qui aura lieu le 27 mars prochain à Montluel (01). Seront projetés deux films de Charley Bowers ( « Non, tu exagères' » et » Pour épater les poules ») et un de Buster Keaton ( » Voisin, voisine » ). Ils seront accompagnés par une musique que je viens de composer, interprétée par sept musiciens de la Camerata Schubert.
Même si je vous sais très occupé, je serais très heureux que vous acceptiez d’honorer cette soirée de votre présence. Je serais en tous cas, en tant que cinéphile et musicien, très flatté que vous puissiez voir ce travail. (Vous aimez la musique, il suffit de voir la liste des musiciens qui ont collaboré avec vous pour s’en apercevoir.)
J’ajouterai, comme un clin d’oeil, que je suis organiste à St Paul, à Lyon ; nous avons vu votre Horloger avant-hier , en famille, et le coin a peu changé.
Cordialement ,
Denis Fargeat
Belle émission Projection privée (comment pouvait -il ne être autrement? Ciment + Tavernier, l’équation idéale!) samedi 25 février 2012 autour de Le cinéma dans le sang…j’ai l’impression , compte tenu de votre générosité qu’elle aurait pu durer 4 heures au lieu d’une (et je parie que le livre d’entretiens pourrait tenir sur 10 volumes sans qu’on ait l’impression de longueurs ou redites!!!).
Je voulais vous remercier pour votre intervention sur l’education- par delà tt ce que vous avez pu dire de passionnant ( je commande cette semaine Mississipi blues), de juste , de touchant- et notamment sur votre métaphore si juste d’une pixellisation des analyses et pbles (que je pense réutiliser dans d’autres tribunes que cinéphiles).
Cela n’a guère de sens amis je tiens à vous remercier aussi chaleureusement que possible pour tt ce que vous faites et tt ce que vous êtes!
Amicalement.
Cher Bertrand Tavernier,
Dans votre commentaire sur LA CHAMBRE ARDENTE, vous expédiez un peu hâtivement, je trouve, MARIANNE DE MA JEUNESSE comme un des effets de « l’attrait néfaste que l’Allemagne a exercé sur certains cinéastes français ». Malgré certains défauts et des aspects un peu artificiels, c’est quand même l’un des films les plus intéressants de la carrière de Duvivier d’après-guerre. Il faut rappeler qu’il y avait trouvé une sorte de substitut au GRAND MEAULNES, roman qu’il rêvait d’adapter mais dont il n’avait pu obtenir les droits de la soeur d’Alain-Fournier. Il a mis dans MARIANNE des aspects plus secrets de sa personnalité, une tendresse nostalgique, un goût pour la fantastique poétique (Renoir dira d’ailleurs de ce film que « le Duvivier que ses amis connaissaient et que le simple passant ignorait s’y révèle sans masque ».) On y trouve aussi, parsemée ici ou là, une certaine dureté, une certaine cruauté dans certains personnages. L’opposition entre les deux personnages féminins (la tentatrice Lise, personnage en grande partie créé par Duvivier, et l’icône immatérielle Marianne), les beaux décors de Jean d’Eaubonne (les faux miroirs qui sont des cadres vides à l’intérieur du manoir…), la qualité globale de l’interprétation sont aussi à mettre à son actif. Duvivier, peu enclin à l’auto-complaisance, gardera toujours une certaine tendresse pour ce film, dans lequel, disait-il, il avait mis beaucoup de lui-même, et avait été un peu meurtri par son échec critique et public. Il est intéressant aussi de voir les deux versions tournées simultanément (la version allemande fut diffusée par Patrick Brion au Cinéma de minuit), la personnalité de l’acteur principal (Pierre Vaneck dans la version française / Horst Buchholz dans la version allemande) leur donnant une coloration différente.
A Demachy
Vous me donnez envie de revoir le film
Sans oublier la photo de L. H. Burel, une photo onirique mais sans tapage, élégante et maîtrisée de bout en bout. Il se dit que Schufftan aurait commencé le film mais ostracisé pour ses origines juives il aurait été remplacé un temps par F. A. Wagner puis par Burel.
Le sauvage est effectivement un chef d’oeuvre, inspiré en droite ligne des plus grandes comédies américaines mais qui possède un ton qui n’appartient qu’à Rappeneau. Deneuve n’a jamais été aussi belle et naturelle. Je regrette profondément (et je ne me l’explique pas) que Rappeneau n’ait pas fait plus de films…
Dainah est un beau film malgré ses coupures (qui le rapprochent d’autres films massacrés tels Queen Kelly de Von stroheim ou La femme au corbeau de Borzage)d’une étrangeté absolue qui ne laisse pas totalement entrevoir la suite de carrière mais donne à comprendre qu’on a là un cinéaste des plus importants.
Grémillon avait aussi réalisé dans les 30′ un autre opus très singulier La petite Lise avec le tjs surprenant Alcover: potentiellement mélodramatique, le films rejoignait une étrangeté et une expressivité dignes de Gance ou de certains Browning muets comme si le cinéaste, aux côtés de Renoir, était le vrai héritier du muet.
La scène de la danse avec l’utilisation des masques est fabuleuse et rejoint dans mon imaginaire celles de M Arkadin,Fellini Casanova ou encore Eyes wide shut.
Comment est la copie? Dans mon souvenir TV (sur CinécinémaClassic), le film était très abîmé pour le son et très rayé…mais tant pis, c’est plus qu’une curiosité, un titre important du ciné français des 30′ qui ne compte pas des dizaines de chef d’oeuvre à ma connaissance…mais l’achat du livre de Vecchiali devrait me faire réviser ces vilains a prioris!
Le Clouzot est très réjouissant même s’il demeure mineur comparativement au Corbeau ou à Quai des orfèvres…il demeure de bon ton , malgré l’incroyable exhumation des plans de L’enfer, de minorer l’importance de clouzot ce que je ne comprends quand on constate l’incroyable diversité de ses projets des titres cités au mystère Picasso en passant par Le salire de la peur.Même Les espions si décrié ne me semble pas dénué de qualités…
A Ballantrae
Il faut bien avouer que ses derniers films (je mets à part la première partie des ESPIONS et je n’ai pas revu la VÉRITÉ) est faible par rapport à ceux des années 40, du SALAIRE. LA PRISONNIERE c’est nul. Quand il est devenu mystique et s’est pris au sérieux, cela s’est gâté. J’ai longuement parlé de MANON qui est un film bancal et mal construit mais qui contient des fulgurances. Néanmoins il a été traité avec beaucoup de condescendance. Vecchiali l’attaque beaucoup et injustement
Manon comme La prisonnière ne sont pas bons certes mais regardons le reste!!!
Peut-on dire que tte la filmo de Becker est impeccable? Bien sûr que non! Ali Baba est un vrai gros nanar pas même drôle…l’avantage de Becker est d’avoir terminé sur Le trou, vrai chef d’oeuvre alors que le cinéma de Clouzot semblait s’épuiser.
Melville lui aussi n’a pas accompli une carrière dénéueé de défauts mais Un flic, tt routinier qu’il soit, n’est pas honteux c’est vrai.
Parmi les grands noms ayant débuté durant les 40′, les seuls qui réussissent ce qu’on pourait nommer une carrière parfaite sont ceux qui ont tourné avec une parcimonie absolue ( plus par contrainte que par choix d’ailleurs): Bresson et Tati!
A Ballantrae
Becker dans les années 40 est le plus grand cinéaste français de GOUPI à FALBALAS, ANTOINE ET ANTOINETTE, RENDEZ VOUS DE JUILLET en passant par CASQUE D’OR. En dehors d’ALI BABA, il y a très peu de déchets. ARSENE LUPIN était un film charmant qui gagne sans doute à être revu et MONTPARNASSE 19 contient de fulgurantes beautés. Regardez ses collègues, à commencer par Renoir
J’ai gardé d’arsène Lupin un souvenir assez mitigé car je suis un vieil admirateur du gentleman cambrioleur or le cinéma ne lui a pas vraiment rendu justice: le film m’avait semblé un peu routinier, pas désagréable mais un peu impersonnel…
Montparnasse 19 est très inégal, de beaux moments certes mais des maladresses ou raccourcis qui l’empêchent d’aller au bout de son idée.
Je vous concède néanmoins que Becker est immense et je vous concède aussi que tout Renoir n’est pas génial notamment sur la fin: Le déjeuner sur l’herbe est plus souvent incongru que réussi par exemple,…Cordelier est intéressant, inventif techniquement parlant mais pas totalement réussi dans son excessive théâtralité( il faudrait que je le revoie), j’ai une tendresse particulière pour Le caporal épinglé cependant.
Je persiste à penser que Bresson est celui qui m’impressionne le plus sans rien enlever à Becker!
A Ballantrae
Disons Becker et Bresson même si le premier me touche plus et par le nombre et la variété de ses films, se met souvent en danger (j’ai par ailleurs dit tout le bien énorme que je pensais des DAMES, de PICKPOCKET, du CONDAMNÉ). Encore que dans les années 40 il y a Clouzot, Autant Lara, le Duvivier de PANIQUE, de VOICI LE TEMPS DES ASSASSINS. C’est quand on additionne 40 et 50 que la force de Bercker apparait. LE DEJEUNER SUR L’HERBE est en effet un film insupportable, ELENA est vraiment raté. C’est le moins bien accueilli, le CAPORAL ÉPINGLÉ qui surnage
Pour ce qui est de Bon voyage (autre insuccès immérité!), je n’ai pas été clair: les scènes avec Adjani, peu crédible en jeune première( raideur de jeu inhérente l’intention pour l’actrice de masquer certaines parties du visage notamment le cou)empêchent le film d’atteindre son optimum et par ailleurs Depardieu n’était pas indispensable même si son jeu relevait le niveau de ses prestations récentes.
Le reste du casting ( G Derengère, V Ledoyen, Y Attal) compensent cela avec un vrai brio.
La dimension feuilletonnesque se marie bien avec le réalisme et le sens du détail: scènes d’exode superbes (vers cette époque était sorti l’un de mes Téchiné préférés Les égarés qui contenait une attaque de stukahs tout aussi saisissante que dans Jeux interdits), capacité à rendre lisible le chaos absolu et ahurissant de l’époque.
C’est amusant de constater que , sans vous donner le mot, il y ait eu trois grands cinéastes français qui vers 2002-2003 ont donné coup sur coup des films -situés durant la seconde guerre mondiale- aussi différents que Laisser passer, Bon voyage et Les égarés!
On sent dans ce film comme dans Le sauvage un amour vrai, intelligent, pertinent de la comédie américaine de la grande époque plutôt versant Hawks et comédie du re mariage pour paraphraser S Cavell.
L’Histoire est décidément une « réserve » inépuisable de sujets de cinéma comme j’ai pu encore le voir avec Ici bas;
A Ballantrae
d’accord avec vous sur les scènes avec Adjani. Il y avait par ailleurs des séquences époustouflantes
A propos de Clouzot, j’imagine que ça doit être une banalité, dans les milieux du cinéma, de dire que c’est le Hitchkock français. Force est de reconnaître que peu de polars hexagonaux laissent autant de souvenirs que l' »Assassin » et les « Diaboliques », par exemple. Je ne les ai vus qu’une fois il y a longtemps mais je cauchemarde encore éveillé en revoyant Jean Tissier fixer son regard sur nous : »Vous avez eu tort de soupçonner les autres » ou bien ces pavés des ruelles de Paris que la nuit a recouverts d’ombres, de silence et de pas affolants. Et cette façon de terroriser par l’humour, sans doute risquée, mais qui fait mouche chez ce réalisateur et marque les esprits.
Oui Jean Tissier « le fakir » est très drôle, sans oublier la performance « à la Prévert » de Raymond Bussières, sur son lampadaire (…et trois dromadaires)
Les deux comédies noires QUAI DES ORFEVRES et L’ASSASSIN sont les films que je préfère de Clouzot, j’ai à voir LES ESPIONS…
Et puis le couple Suzy Delair/Bernard Blier dans QUAI DES ORFEVRES me fait toujours autant rire lorsqu’ils se disputent, mais l’on sent qu’ils s’aiment toujours; et là je trouve que Clouzot démarque subtilement, pour le personnage de Suzy Delair, de l’éternelle s***** (du moins à l’époque) qui trompe son mari + vieux, ce couple est en fait très soudé, et cela m’avait marqué la 1ere fois que je vis le film.
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R.I.P Nicol Williamson, grand acteur qui interpréta entre autres un extravaguant Sherlock Holmes dans le très bon film d’Herbert Ross « The 7% Solution »
Cette image surréaliste de l’homme perché sur le réverbère, hormis le côté purement poétique que vous soulignez, n’est pas gratuite, je pense. Elle représente le mystère lui-même, le meurtrier insaisissable qui se gausse de la police. A l’époque où le film a été tourné (années 40 ?), serait-ce en plus une allégorie de la Résistance ? ça ne m’étonnerait pas du génie de Clouzot…
D’autant plus, si je me souviens bien, que c’est lui qui a des cartes de visite « Mr Durand » dans les poches…oui ce film a certainement des sous-texte lié à la période où il fut tourné, en tout cas il reste pour moi l’une des rares tentative réussie de comédie policière-noire française avec « Série Noire », « Coup de Torchon »… et « Judex » sur un ton plus surréaliste, qui sont les premiers qui me viennent à l’esprit.
En revisionnant le début sur des extraits disponibles sur Internet, on tombe sur cette réplique digne de figurer dans un manuel de leçons de cinéma : un patron de bistro met en garde le pochtron qui s’en va dans la nuit : »Attention à Mr Durand !
-Quel Mr Durand ?
-Il n’y en a qu’un et il tue. »
Ce « il n’y en a qu’un » , destiné à éloigner l’esprit du spectateur de la solution, est vraiment tuant.
A propos de « L’assassin habite au 21 » et « Le dernier des six », Stanilas-André Steeman fut de ceux que l’adaptation de ses oeuvres déçut: « Spectateur, j’espère beaucoup du cinéma. Auteur, je n’espère plus grand chose de messieurs les Producteurs de Films. »
Dans une préface à l’un de ses romans, il évoque la première des aventures de M. Wens: « Le premier de mes romans qui fut porté à l’écran est « Six hommes morts ».
« Bien macabre ce titre ! On dirait un faire-part collectif ! » estimèrent MM. les Producteurs. Et d’intituler le film, comme vous le savez peut-être, LE DERNIER DES SIX.
Pourquoi LE DERNIER DES SIX puisque, sur six amis appelés à disparaître à l’origine, il en survit deux et non plus un seul, comme dans le roman ? Mystère ! (…) C’est à cette occasion que je fis la connaissance de H.G.Clouzot. « On va remettre ça avec L’ASSASSIN HABITE AU 21″, me dit-il. Je voulais bien. Je le voulais d’autant plus que Six Hommes Morts, vendu par mon éditeur en 1931, m’avait tout juste rapporté dix-huit mille francs (…)
J’étais, de plus, mal consolé de n’avoir pu traiter avec Robert Florey, dont une lettre, postée à Hollywood en avril 1940, m’avait poursuivi pendant tout l’exode jusqu’à Arcachon. Florey avait déjà retenu les acteurs principaux -Peter Lorre, Chester Morris et Boris Karloff – et n’attendait plus que ma signature pour vendre le sujet aux studios Columbia. »
A Stagger Lee
Steeman a passé sa vie à se plaindre. Il a pourtant après l’ASSASSIN accepté de vendre QUAI des ORFÈVRES à Clouzot. Dans le cas des Clouzot, les films sont nettement supérieurs aux romans
Il n’est pas rare qu’un romancier se plaigne en effet du traitement de l’une de ses oeuvres par un cinéaste, aussi talentueux soit-il (les exemples abondent).
Steeman passe les quinze pages de la préface qu’il rédigea pour « La nuit du 12 au 13 » (porté au cinéma sous le titre MYSTERE A SHANGAI)à se plaindre: « Je n’assistai pas à la première de L’ASSASSIN HABITE AU 21. (Je n’avais pas non plus assisté à la première du DERNIER DES SIX.) Je vis le film dans un cinéma dit de quartier, à Bruxelles, et fus heureusement surpris de constater que l’on avait bien voulu garder le tiers de la moitié des gags sur lesquels j’avais sué (avec bonheur) un mois durant.
Le tiers de la moitié des moins bons, cela va sans dire. »
Cependant Steeman semble avoir gardé un bon souvenir de son travail avec Clouzot (malgré leur « tempéraments opposés »)et précise: « Clouzot et moi -d’abord assités par Claude Vermorel et Marcel Rivet (…) travaillons dans un Paris occulté, haussant le ton des répliques (…) La plupart des scènes furent composées d’un premier jet. Pour la fin, on a cafouillé… »(?)
A Stagger Lee
Il faut avoir vu MYSTERE A SHANGHAI (entièrement tourné à Paris. Comme le précise le critique de la Cinématographie française : « les extérieurs de Shanghai ont été brillamment reconstitués dans les rues de Paris) pour savourer le métier de Lacombe et le grand talent de Clouzot. C’est un effroyable nanar
Pour l' »Assassin », il était plutôt judicieux d’adapter pour l’écran une oeuvre d’abord intéressante par son intrigue. Quand la richesse du bouquin est d’abord littéraire et stylistique, il faut être fou pour s’y coller. Par exemple, Je n’ai jamais compris qu’on puisse avoir envie de tourner des San-Antonio…
A MINETTE PASCAL
Tout à fait exact. L’intrigue et les personnages sont ultra baclés. C’est le style qui compte et emporte le morceau. D’ailleurs les adaptations de Dard ont produit des films médiocres comme celles de Chase (sauf Aldrich et Chereau), alors que Simenon a inspiré plus de 40 films passionnants
Rappeneau doit être rappelé à notre bon souvenir régulièrement car il accomplit (a accompli?) une carrière d’autant plus admirable que le travail disparaît derrière la légèreté du ton, l’élégance absolue de la manière.
J’avais un peu moins aimé Le hussard sur le toit (qui westernise un peu trop mon cher Giono) et Bon voyage (les scènes avec adjani, tt ce qui est relatif à l’exode est incroyable de précision et le récit est enlevé) posent un vrai pble qui contiennent cependant bien des moments éblouissants rappelant le brio de La vie de château, Les mariés de l’an II, Le sauvage très hawksien, Tout feu tout flamme (pas revu depuis un bail) et Cyrano.
Rappeneau est un cinéaste rare et perfectionniste question tempo un peu comme Sautet et je devine de l’inquiétude chez ces cinéastes qui nous offrent des films humains et élégants.J’avais vu sur le site de la cinémathèque des docs très intéressants sur Le sauvage qui prouvaient que Rappeneau ne laisse rien au hasard.
En parlant de cinéastes rares, je me permets de signaler le dernier film de JPDenis Ici bas dont le sujet complexe, nuancé rejoint un traitement sobre,élégant et rigoureux.Il s’agit de l’histoire bien connue ici en Périgord de soeur Philomène, délatrice par passion amoureuse en 1944.La musique magnifique de M Portal s’insinue dans un film alternant extérieurs automnaux et intérieurs austères de la vie conventuelle.La couleur comme l’amour essaie de se frayer un chemin dans un monde glacé, comme mis sous un boisseau.N’écoutez pas les critiques des cahiers ou des inrocks qui en font un téléfilm banal…ils ne savent pas ce qu’est un cadre, ce que signifie la colorimétrie, le montage, le travail des acteurs, le rythme si j’en crois certains de leurs enthousiasmes.Et C Salette est royale tt comme dans L’Apollonide et vant le prochain Audiard!
A Ballantrae
J’ai hélas loupé le JP Denis, cinéaste attachant, sensible, délicat
N’est-il plus diffusé sur Paris? Je crains que fort injustement le succès n’ait pas été au RDV…en Dordogne, le film a été beaucoup vu compte tenu que c’est « l’enfant du pays » qui a oeuvré mais je n’ai pas vu le film dans les chiffres des 20 premiers au box office…si cela n’avait autant de conséquences ( rentabilité pour des systèmes de production à l’arrache, possibilité de développement de projets ultérieurs) on en ferait fi mais, comme disait Malraux, c’est un art et une industrie donc cet échec commercial a des conséquences!
Le film est beau,intense,secret et méritera des séances de rattrapage.Je crois qu’il est à l’affiche à angoulême, ce qui vous permettrait de décuvrir l’extraordinaire double expo consacrée à Spiegelman qui vient de sortir Metamaus sur la genèse de son chef d’oeuvre ( je me permets cet aparté BD,ayant cru comprendre que vous étiez particulièrement attentif au langage du 9ème art ces derniers temps!!!!).
Dans cette même collection Gaumont à la demande, j’ai vu l’excellent LA FERME AUX LOUPS de Richard Pottier, avec François Périer et Paul Meurisse. Un excellent divertissement policier, produit sous l’Occupation par la Continental, réalisé par Richard Pottier sur un scénario de Carlo Rim qui, d’évidence, s’inspire de l’univers de Pierre Véry, auteur policier alors très en vogue. Le ton volontairement léger du récit, alternant les scènes policières, les scènes d’épouvante et la comédie, assure une vision très agréable de ce film. L’époque contraignait à ce type de récit peu réaliste, voire même assez puéril. Mais de ce fait le film conserve une fraîcheur de ton qui en fait le prix. On peut y voir Martine Carol dans un de ses premiers rôles. Les scènes de marivaudage avec François Périer et Paul Meurisse sont également très bien.
Une bonne surprise, bien que le film soit mineur, fut pour moi L’INVITE SURPRISE, de Georges Lautner, avec Victor Lanoux, Michel Galabru et Jean Carmet. Certes, c’est une pochade, mais surtout un joyeux jeu de massacre, parfois assez délirant. Lautner devait lorgner vers l’univers de Mocky.
Revu également UN PAPILLON SUR L’EPAULE, de Jacques Deray, avec Lino Ventura. Ce polar métaphysique tient vraiment bien le coup. Des films de Deray que j’ai vu, il me semble que c’est un des meilleurs.
Par contre, je suis plus mitigé avec LE PROCES DES DOGES, de Duccio Tessari. Certes, le fait de placer une intrigue policière sur fond de luttes sociales et politiques dans la Venise du XVIème est intéressant, mais j’ai vraiment de la peine avec la mise en scène de Tessari qui cherche l’effet au détriment du sujet.
A André Desages
Les acteurs donnen t du naturel, de la rapidité à LA FERME AUX LOUPS. Je n’ai jamais vu Meurisse aussi rapide, soldant tous les effets. L’intrigue est assez stupide et peu crédible et l’explication fait ressortir tous les pires clichés. Mais Pottier jusque là a tenu la route