Films Anglais : John Guillermin / La Guerre
1 novembre 2011 par Bertrand Tavernier - DVD
Je continue mon exploration de l’œuvre britannique de John Guillermin avec d’abord un double DVD Adelphi (sans sous titres qui comprend deux films en dvd ET en Blue Ray) :
CROWDED DAY, chronique unanimiste, douce-amère, décrivant une journée dans la vie de 5 vendeuses travaillant dans un grand magasin. Je ne pensais pas que Guillermin que je voyais spécialisé dans le film d’action, le polar, avait abordé ce genre de sujets. Cette petite production indépendante vit hélas son exploitation bloquée par l’étroitesse d’esprit, l’impérialisme des deux grands circuits de salles qui interdisaient l’accès des Gaumont, des Odéon à ce type de films, bloquant tout renouvellement.
Le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur des espoirs que fait naitre le sujet. Pour une raison très simple : le scénario ne consacre qu’une portion congrue au travail de ces jeunes femmes, à leurs rapports avec les clients, profitant de la moindre occasion pour s’évader dans les pubs, les restaurants, les rues. Il faut dire que le travail était toujours survolé à cette époque (et même maintenant). Il y a plusieurs scènes touchantes et Guillermin se débrouille très intelligemment en décors naturels, dans un vrai magasin et dirige bien ses actrices. On peut regretter le gag un peu lourd de l’employé qui tente plusieurs fois d’habiller un mannequin. Dans la partie un peu plus dramatique, Guillermin se permet des cadrages inhabituels, obliques, avec des amorces très présentes qui annoncent ses films noirs.
L’autre film, SONG OF PARIS est plus léger, plus conventionnel malgré le suave Dennis Price. Il est rehaussé par l’interprétation fine et sexy d’Anne Vernon qui chante plusieurs chansons dont une de Jean Drejac. Les deux films bénéficient de transferts magnifiques.
Toujours de Guillermin, j’ai revu avec plaisir malgré un transfert très discutable (même si Ted Scaife est un chef opérateur conventionnel. Dans son équipe, il y a Gerry Fischer) TARZAN GREATEST ADVENTURE (la PLUS GRANDE AVENTURE DE TARZAN), le meilleur – de loin – des Tarzan récents. Celui, en outre, qui est le plus fidèle au personnage créé par Edgar Rice Burrough. En effet, dans cette version, Tarzan parle normalement, ne s’exprime pas en petit nègre. Il a l’air intelligent, éduqué. Dès la séquence pré générique, d’une réelle violence, très bien filmée, Guillermin (qui co-écrit le scénario) multiplie les travellings dans la jungle, les mouvements de grue, joue avec les amorces, la profondeur de champ. Le combat final est très bien mis en scène, avec ce recadrage au-dessus du vide. Formidable trio de « méchants » : Anthony Quayle, acteur shakespearien, Niall McGinnis et…Sean Connery. L’avant dernier plan est savoureux. Tarzan regarde son reflet dans l’eau et sourit.
Je viens de revoir GIFT HORSE (COMMANDO SUR SAINT NAZAIRE sans sous titres) que je n’avais guère aimé lorsque je l’avais vu a douze ou treize ans. Et j’ai été touché, intéressé maintenant par tout ce qui m’avait rebuté. J’avais déploré le manque d’action, d’héroïsme, le fait que le raid mentionné dans le titre français n’occupait que les 20 dernières minutes, ce qui serait inimaginable maintenant. Or justement ce qui donne au film une force, c’est l’importance de l’attente, des échecs répétés à la suite d’erreurs humaines ou mécaniques (rien ne semble marcher dans ce foutu destroyer : les canons s’enrayent, les tuyaux crèvent). Le capitaine Fraser se trompe, l’un de ses officiers commet une bourde énorme. Rarement films de guerre et de propagande auront autant mis en valeur les cafouillages, les accidents, les obstacles que les britanniques. C’est ce que ce GIFT HORSE réussit, et cela jusqu’à la fin. Un internaute qui m’a convaincu de voir le film loue son absolue authenticité (les bateaux, l’armement ne sont pas postérieurs à l’époque, contrairement à tant de films), insiste sur cette absence d’héroïsme, sur la mauvais qualité du matériel. Sur l’interprétation impeccable de Trevor Howard.
THE LONG, THE TALL AND THE SHORT de Leslie Norman est visiblement l’adaptation d’une pièce de théâtre. Et cela se sent. Les grands travellings dans la jungle ne suffisent pas à rendre cinématographiques ces pesants débats d’idées, lourdingues, sur dramatisés qui restent théoriques malgré une distribution où l’on remarque un jeune Richard Harris et Laurence Harvey. Statique et ennuyeux.
ICE COLD IN ALEX de Jack Lee Thompson est beaucoup plus intéressant et transcende un sujet qui pourrait être conventionnel (4 personnes perdues dans le désert). On sent la chaleur, le poids du désert, la fatigue, la sueur sur la peau. John Mills en officier alcoolique (encore un héros en état de faiblesse) est beaucoup plus convaincant que d’habitude et Sylvia Syms confirme, une fois de plus, le bien que j’ai pu dire d’elle. Elle est même très sexy dans ce film d’homme et elle évoque dans les bonus ce tournage qui fut épuisant. Il paraît qu’une scène d’amour entre Mills et elle fut coupée, car sa chemise était trop ouverte.
Par ailleurs, plusieurs scènes d’action sont bien découpées et porteuses d’une vraie tension, ce qui n’est pas toujours le cas chez Lee Thompson : la rencontre avec une patrouille allemande dans le désert est une excellente séquence, imprévisible, ambigüe comme tout le film. Les britanniques prennent des décisions qui pourraient les faire accuser d’intelligence avec l’ennemi : ils dissimulent le fait qu’un des personnages est un espion allemand. Le patriotisme est sacrifié à la tolérance et à la loyauté. La séquence qui donne son titre au film est remarquable : on a envie de boire de la bière avec eux.
A propos de Lee Thompson, dont j’ai acheté TIGER BAY mais ne parvient pas à trouver ses premiers films qui ont une bonne réputation (WOMAN IN A DRESSING GOWN) et font oublier les productions avec Charles Bronson, mon ami Jean Pierre Coursodon m’écrit qu’il a regardé « un film que je n’avais jamais vu et que tu couvres de ridicule dans 50 ANS: EYE OF THE DEVIL et à ma surprise je ne l’ai pas trouvé si mauvais. La « population hébétée » dont tu parlais, on la voit environ 3 minutes en tout, maximum. Je suis plus dérangé par la convention qui fait que des acteurs 100 % britanniques sont censés être français, mais on s’y habitue. Le film est assez grandiloquent (Tourneur l’aurait dirigé de façon différente!) mais le genre le veut. L’histoire n’est pas plus extravagante que EYES WIDE SHUT. Le château est remarquablement utilisé, intérieurs et extérieurs, la photo est excellente, avec beaucoup de profondeur de champ. L’incohérence due aux coupures ne peut pas être impliquée au pauvre réalisateur (il y en a quand même une de taille, quand Deborah Kerr tombe du haut du château et apparait intacte dans le plan suivant). Je ne cherche pas à réhabiliter Lee Thompson mais je trouve que tu étais un peu injuste.
Je vais revoir le film.
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TARZAN GREATEST ADVENTURE, de John Guillermin, est un souvenir mythique pour moi.
Je l’avais vu un dimanche après-midi sur la 2 autour de mes 7 ans (revu bien plus tard sur M6 dans les années 90) et avait été perturbé par une violence relativement sanglante, ce qui était encore rare à survenir devant les yeux du petit garçon que j’étais.
Vous dîtes , Bertrand (certes en 2011), qu’il est le meilleur Tarzan « récent » selon vous.
Vous n’aimez pas GREYSTOKE?
A Alexandre Angel
Pas tellement et ce n’est pas un Tarzan censé poursuivre le cycle des Herman Prix, Weismuller, Lex Barker,
Je l’avais trouvé plutôt classe et ayant le mérite de proposer une approche différente.
Mais pour en revenir aux Tarzan plus traditionnels, outre le Guillermin / Gordon Scott commenté dans ce fil et les Johnny Weissmuller avec Maureen O’Sullivan réalisé par Van Dyke et Richard Thorpe, les suivants genre TARZAN ET LES AMAZONES (vu également petit, à moins que ce soit celui avec les sirènes) valent-t-ils l’achat car j’avais acheté il y a 15 ans le premier coffret mais n’avais pas osé prendre le second avec un Johnny Weissmuller semblant empâté?
A Alexandre Angel
Je trouve que la plupart sont sinistres et tournés sans conviction. J’ai gardé un souvenir agréable de TARZAN A NEW YORK : « Jungle de pierre » dit il en regardant les buildings
Étonnant TIGER BLAY. Qui rejoint pour moi tous les grands films sur l’enfance, c’est à dire ceux qui ne l’ont pas contemplée d’un œil lointain, adulte, je pense au Petit Fugitif de Morris Engel, au Voleur de Bicyclette, à Child of Divorce, au Kid évidemment, et à d’autres… À la fois un film noir, un film social, et un film d’une grande poésie sur l’enfance et ce qui relie intimement les êtres. Même les flics sont bien, humains, compréhensifs, un peu eux aussi du côté de l’enfance, car ne l’ayant pas oubliée, mention spéciale à l’excellent John Mills. Il me semble que Charles Lane dit s’en être beaucoup inspiré pour son SIDEWALK STORIES, film étonnant mais à mon goût pas complètement réussi (que m’a fait découvrir l’excellent Sullivan) même si je ne vois pas complètement le rapport avec Tiger Bay.
Merci merci JCF, c’est trop. Vous êtes magnifique vous aussi. Grâce à vous, je me suis procuré une super copie de THE STRANGE LOVE OF MARTHA IVERS (mais pas l’édition Paramount italienne comme vous. Moi c’est la polonaise. Chacun son truc !)
Bad news, everyone! Unfortunately, Matt Groening best series (you heard me) is going into that dark knight… again. Entertainment Weekly reports that Comedy Central has decided not to renew the show after the final set of 13 episodes starts airing in June
I’m pleased to see your praise of Doris Day’s career high performance in STORM WARNING, an incredibly courageous film for its time (attacking the KKK, at the at the very moment when their pale-faced brethren on the House Committee on Unamerican Activities were approaching the crest of their toxic wave). The film also features two very good performances by noted committee sympathizers Ronald Reagan and Ginger Rogers. As for Doris Day’s descent back into virginity: there might be a book, or at least a long article, in why America itself sank into a feteshization of this dubious virtue in the nineteen-fifties, a feteshization which can still be seen (nauseatingly) in an ostensible sex comedy like 1960’s SUNDAY IN NEW YORK, wherein it is taken as given that Cliff Robertson is free to sow his oats where he will but that his sister (Jane Fonda, apotheosis of sixties American feminine pulchritude) must remain unplowed. The Levant quote, by the way, is « I knew Doris Day before she was a virgin. » Best, Michael
Monsieur Tavernier, Guillermin’s RAPTURE is coming Dec 13 on Blu-ray from the Twilight Time label, who did an excellent transfer of Huston’s THE KREMLIN LETTER (a Melville fave), a film the quality of which took forty years to penetrate the occasionally thick consciousness of the present correspondent. Can’t find it on amazon, appears to be exclusively available from an outfit called Screenarchivesentertainment.com. May be region locked but I assume your video equipment is as elaborate (even disques laser) as that of the unfortunate sod in L’APPAT who picked up Marie Gillain. Best, Michael
JE VIENS DE LIRE QU’AUX USA, sort le 6/12/2011, édité par SONY, un film de la période britannique de John GUILLERMIN :
« TOWN ON TRIAL »(1957)
Monsieur Tavernier, As Jerome suggests, you should most assuredly seek out RAPTURE not only for the acting (especially from the radiant Gozzi, even better than she was as Cybele, but then this is a better part in a superior film) but also for the sheer otherworldliness of it. A British director and screenwriter (Guillermin, Stanley Mann) working from a treatment by a Fellini collaborator (Fiaiano) with actors who had worked with Losey, Bergman, Lubitsch…But no Tower of Babel feeling in the dialogue department or puzzlement over all these French characters speaking English in France. Never a feeling that anyone’s in the picture so the producers could pick up some cash from Radiodeutschenfunk. In the matter of THE LONG AND THE SHORT AND THE TALL, I think the film would have been much better if the producers had gone with the original London theatre director (Lindsay Anderson) and the provincial touring company (Michael Caine, Terence Stamp, and Harold Pinter). And no, I’m not making this one up. Best, Michael
Je suis très curieux de voir ces films de Guillermin, cela me consolera du pénible « King Kong 2 » dont j’ai vu la fin l’autre soir à la télé, et dans une moindre mesure de « La tour infernale », qui est trop mou pour être complètement amusant.
Et j’essayerai aussi de voir Gift Horse, dont votre description est très alléchante.
Bonjour,
Je préférais l’ancien système, avec de longues chroniques moins fréquentes. Elles me semblaient plus fouillées et vous répondiez plus régulièrement à vos blogueurs…
Bien cordialement,
Sullivan
A Sullivan,
J’ai toujours répondu quand j’avais du temps libre donc de manière erratique. Et les textes sont les mêmes au point de vue longueur. C’est quelqu’un qui a la SACD divise les segments
Bonjour
Il faudrait surtout que les commentaires soient publiés tous les jours, enfin, plus souvent en tout cas, il faut attendre parfois deux semaines pour les voir apparaître, ça décourage de donner son avis, ça casse la discussion. Je sais que ça ne relève pas de vous, Mr Tavernier!…
D’ailleurs, faut-il vraiment qu’ils soient contrôlés?
J’ai enfin vu L’Heure d’Eté de Assayas, encore une découverte, je file sur la page concernée pour donner mon avis! Bonne journeée!
D’accord. Diviser les segments me semble antinomique à votre cinéphilie, qui chacun le sait reste assez vaste et ne se cantonne pas à un pays ou un genre en particulier. Je préférais lire vos amours du moment d’un seul tenant. Question de point de vue.
Bonsoir,
A propos de Jack Lee Thompson, je vous avais trouvé très dur dans 50 ans. Je n’ai pas vu tous ses films, et vous avez surement raison sur ses œuvres avec Charles Bronson.
J’ai vu récemment un des derniers films de sa période britannique, NORTH WEST FRONTIER (Aux frontières des Indes) qui m’a semblé être une jolie réussite, malgré quelques clichés attendus (sur le personnage de Lauren Bacall ou du conducteur de la locomotive). Mais Kenneth More colle parfaitement au héros, sans charisme évident, jonglant entre certitudes militaires et réalités civiles. Les aventures sont suffisamment intéressantes pour créer du suspens, et certaines scènes sont très bien filmées (le guet apens sur les rails notamment, ou la découverte du train attaqué, avec les centaines de morts).
Quant à THE GUNS OF NAVARONE, malgré son académisme et quelques moments plus lents, il reste un très agréable divertissement, dans le même genre que THE MAGNIFICENT SEVEN ou THE GREAT ESCAPE. CAPE FEAR, avec une très belle photographie me semble largement supérieur à son remake par Scorsese, en partie bien sûr grâce à la composition géniale de Robert Mitchum. La fin (bien plus réussie à tous les niveaux que son remake) m’avait marqué, et c’est un des films qui m’a fait apprécier pour de bon Gregory Peck. Évidemment, ces films auraient-ils été aussi bons sans Jack Lee Thompson ? Probablement. Toutefois, ce réalisateur me semble aujourd’hui un peu oublié et n’est pas responsable de beaucoup de grands succès inoubliables.
Il m’a toujours fait penser au cas de John Sturges, que je n’arrive pas à adorer ni à détester. Beaucoup de ses films m’ont marqué, et même si il n’y avait pas une « patte » de réalisateur, le divertissement restait toujours plaisant. J’ai vu THE HALLELUJAH TRAIL récemment et j’ose (peut-être à mes risques et périls) dire que j’ai apprécié ce film, original (avec une ouverture, un entracte, rien que l’idée me faisait rire), avec des scènes surprenantes (la bataille dans le brouillard, commentée en voix off) malgré des décors sans âme et un Burt Lancaster cabotin.
Je place J. Lee Thompson et Sturges bien au dessus de Andrew McLaglen dans mon estime et j’aimerais beaucoup voir les films que vous évoquez dans votre article.
A Julien Morvan, je trouve NAVARONE éprouvant, academique et n’ai pas un bon sopuvenir de NORTH WEST FRONTIER dont les travellings tarabiscotés me semblaient décoratifs. Mais CAPE FEAR m’a toujours plu et je pense que sa periode anglaise recèle des surprises. Lacourbe dit beaucoup de bien de son premier film et de LA FEMME EN ROBE DE CHAMBRE. J’ai acheté TIGER BAY (Dirk Bogarde trouvait que cela démarquait l’excellent HUNTED de Crighton que j’ai vanté dans une lointaine chronique. Pour le reste l’interet de ses films me parait dépendre du scénario
John Sturges est un cas intéressant, comment peut-il saboter Backlash (scénario de Borden Chase) dans lequel même Wydmark semble pris d’une somnolence incompréhensible, et s’appliquer plus sur des scénarios moins excitants: Magnificent 7, Trésor du Pendu? Curieux…
Moi je ne déteste pas John Sturges, je le vois comme un William Wyler, qui s’efface complètement derrière son film. Certains films me plaisent beaucoup (Gun Hill, Les 7 mercenaires, la grande évasion, Hallelujah Trail), d’autres me semblent surestimés, à commencer par O.K. Corral, que j’ai revu il y a peu de temps, qui est assez pénible malgré quelques scènes de comédie entre Douglas et Lancaster. Je n’ai pas encore vu Coup de fouet en retour, on me l’a déconseillé. Mais je me souviens avec beaucoup de peine de « MacQ » avec John Wayne, un polar du même niveau que Branningan.
Pour autant, je pense qu’il était capable de très bon, à commencer par BAD DAY AT BLACK ROCK, très bon film, avec une superbe utilisation du cinémascope, un suspens palpable et des acteurs charismatiques. C’est peut-être d’ailleurs là la force de Sturges, ses films sont toujours servis par de grands acteurs (qui se serait rappelé des 7 mercenaires sans les « gueules » de McQueen, Bryner, Bronson … ?)
Tous les Sturges que vous citez me paraisent ternes et plats. Sauf BAD DAY AT BLACK ROCK. J’aime en revanche FORT BRAVO, la mise en scène du TRESOR DU PENDU et des films noirs et blanc de la première partie de sa carrière dont PEOPLE VS O’HARA, SIGN OF THE RAM, THE RIGHT CROSS, WALKING HILLS dont la mise en scène est souvent supérieure aux scrips. MYSTERY STREET aussi. Et oui, il a souvent eu des acteurs épatants
John Sturges a de bons films pour lui. Fort Bravo fait d’abord sourire tant il fait penser à John Ford, mais il donne tellement envie d’être revu…Quant à « Gun hill », c’est un des westerns que je préfère tant il est bien joué. La scène de retrouvailles entre Kirk Douglas et Anthony Quinn est pour moi un modèle de jeu d’acteur amené à sa perfection.
Dans les films n&b du début, ne surtout pas oublier La Plage Déserte (Jeopardy), dans lequel Ralph Meeker est formidable à ses débuts (son 7ème rôle juste après L’Appât de Mann), gangster en fuite, il joue au dur pendant tout le film pour finalement compromettre sa cavale en sauvant la vie de Barry Sullivan par amitié pour Barbara Stanwyck, n’exigeant aucune compensation malhonnête de la part de celle-ci! Sa phrase préférée et répétée, est « Pretty neat, uh? ». Excellent film.
Vous êtes dur avec « Les sept mercenaires ». Pas excitante cette galerie de personnages contrastés, cette avalanche de péripéties, ce climat, sans parler de la musique ? Bon, quelques petites invraisemblances à la limite du ridicule mais un western qui fait plutôt honneur au genre !
>minette pascal : je dis juste que le scénario des 7 Mercenaires est moins excitant que celui de Coup de Fouet en Retour/Backlash, par contre les 7 est plus réussi comme film, Sturges semble s’être désintéressé de Backlash, alors qu’il y avait là beaucoup plus intéressant à creuser: remise en question de la figure du père, habituellement sacro-sainte dans le ciné US (scénario de Borden Chase, qui contribua aux Mann-Stewart des 50, certains au moins). Ce qui me surprend, c’est que Wydmark lui-même au sommet de sa carrière y semble cotonneux, absent.
A Martin Brady
Je me souviens que le film qui était loué à l’époque m’a toujours déçu et semblé en effet assez cotonneux. Pour Borden Chase les avis divergent. Certains le considèrent comme un scénariste routinier (« a hack » disait Vincent Sherman qui mit en scène mollement un fort mauvais script. Et Hawks n’était pas loin de penser la même chose) et pourtant il y a les scénarios des Mann et le Vidor
A minette pascal: pour Les Affameurs, je ne crois pas que le personnage de Rock Hudson soit inutile, joueur professionnel, il est comme Arthur Kennedy entre la légalité et l’illégalité, mais lui, prend le parti des pionniers et revient racheté sans doute par l’amour de Lori Nelson, il est donc là pour être le pendant de Arthur Kennedy qui passera complètement du mauvais côté. Il s’agit d’infirmer ce que dit le chef des pionniers, JC Flippen: « Pomme pourrie une fois, pomme pourrie toujours ». La psychologie est timidement fouillée, mais fouillée quand même, comme dans le précédent Winchester 73.
Un plan sur Julia Adams répondant d’une voix dure à Stewart parce qu’elle ne l’a pas reconnue, enfermée comme par punition dans une cellule grillagée (qui la protège d’un hold-up, puisqu’elle est chargée d’engranger les énormes sommes d’argent produites par la ruée vers l’or) suffit à révéler un côté noir chez ce personnage, en même temps que le côté extrêmement suggestif sexy qui colle à la peau de cette actrice (et on s’en plaint pas!) côté noir qui pourrait être en chacun de nous (Stewart lui-même est supposé avoir été une fripouille dans le passé, quoique ça soit peu mis en valeur dans le film, et reste donc très abstrait, malheureusement).
Ce personnage de Hudson est utile bien sûr, entre autres puisqu’il participe -avec Kennedy et c’est pas pour rien- à aider Stewart à s’enfuir sain et sauf du saloon où les sbires du commerçant joué par Howard Petrie (encore un qui passe d’un côté solaire très amical à un côté très antipathique dés que la ruée vers l’or a changé la donne et l’autorise à s’en mettre plein les poches!) se liguent contre lui à coups de pistolets, dans l’une des plus belles scènes d’action du cinéma!
Quant à être fade, ça a toujours été le problème de Rock Hudson, comme de Doris Day ou William Holden, mais je trouve que là, sa gaieté et son élégance curieusement efface la fadeur. Il trouve toujours, dans ses meilleurs films du moins, à la neutraliser (tout comme Day et Holden, d’ailleurs!).
Amicalement.
A Martin brady
Ah non pas Doris day qui dans la premiere partie de sa carrière est une actrice épatante, vibrante, amusante (dans les deux comédies de Curtiz) et juste (dans la FEMME AUX CHIMERES et surtout dans STORM WARNING. Dans l’HOMME QUI EN SAVAIT TROP, ELLE EST REMARQUABLE. Cette chanteuse souvent inspirée (voir ce qu’en ecrit Gary Giddins) a malheureusement versé dans la mièvrerie, la comédie culcul dans la dernière partie de carrière. Quand, comme le disait Oscar Levant, « elle est devenue vierge »
Et Holden, bon dieu quel acteur magnifique, d’une justesse organique, d’une humilité épatante : dans SUNSET BOULEVARD, STALAG 17, il a un sens du tempo, sait enter dans une scene, s’en emparer sans effets histrioniques. Il est génial dans SABRINA et dans le PONT SUR LA RIVIERE KWAI. J’ai mis du temps à comprendre, sentir ses qualités qui sont profondes et jamais superficielles. Wilder l’adorait
A Bertrand Tavernier: certes, je croyais m’en sortir en précisant que Day ou Holden arrivaient à effacer cette froideur dans leurs meilleurs films (Pajama Game est excellent, l’un des rares musicals que je revois sans être saisi par la mièvrerie, avec Yolanda et le Voleur ou Beau Fixe sur NY grâce à la danse de Cyd Charisse sur le ring!). Je continue à penser que leur physique discret fut un problème pour s’imposer et justement, ils ont dû travailler plus pour ça! Autrement dit, si la fadeur est un problème pour eux, ils trouvent d’autres solutions! Des acteurs plus « beaux » ou au physique plus singulier, peuvent se reposer sur leur apparence. Topons la? Je m’en sors pas trop mal, non?
>Bertrand Tavernier: en effet, je viens de relire l’entretien de McBride avec Hawks, je me souvenais pas qu’il y avait eu tant de dissensions, ils devaient se détester. J’avais gardé Chase dans ma mémoire comme un grand scénariste, épaté par Ben Of The River/Les Affameurs que je juge admirable, mais c’est l’un des premiers grands westerns américains que je découvris à l’âge adulte! Le nom de Chase est dans des grands westerns, comme scénariste (Winchester 73!) ou auteur de l’histoire (Vera Cruz!), mais c’est très difficile de faire la part du mérite du scénariste étant donné la part active que cinéaste et producteur, et même vedette, peut prendre au scénario après son écriture.
Une remarque de Chase signale la dichotomie (?) réalisme-efficacité abordée ici: Chase dit (interview cité par McBride) qu’il était absurde de voir autant de six coups dans Red River, à l’époque de la Chisholm Trail qui servit aux transhumances des troupeaux de bétail depuis le Texas jusqu’aux gares de Kansas City ou Abilene où il pouvait être amené et revendu à l’est (1850-1860). Seuls les Rangers en disposaient, précise-t’il. HH répond qu’il n’avait pas l’intention de montrer des gens perdre du temps à recharger leurs armes! C’est vrai que ça ralentit l’action… amicalement
A Martin Brady
Relisez aussi la bio par Todd McCarthy plus fiable que les déclarations de Hawks. Il est très difficile de juger réellement certains scénaristes, quelle est la part qu’ils ont prises. VERA CRUZ me semble être surtout l’oeuvre de Roland Kibbee que Lancaster aimait beaucoup (et le concept « d’histoire » est très flou et peu varier d’un cas à l’autre). Dans WINCHESTER 73, il y a plusieurs scénaristes dont un important et talentueux. Reste BEND OF THE RIVER, THE FAR COUNTRY où Chase apparait seul. Son travail parait excellent mais la mise en scène de Mann est tellement forte, tellement en symbiose avec les personnages qu’on peut se demander aussi si elle ne transcende pas le script. Et le fait que Chase n’a jamais un mot pour Mann me parait vraiment étrange, alors qu’il défend justement Vidor contre Kirk Douglas. Par ailleur, il était vraiment d’extreme droite ce qui ne se sent pas dans les Mann
à Bertrand Tavernier
Merci pour les précisions, je m’aperçois que j’avais surestimé les apports de Borden Chase dans ces films.
Je note le McCarthy sur Hawks qui doit être passionnant, je m’aperçois que j’avais déjà sur ma liste son livre d’entretiens sur la série B, que vous avez dû citer dans 50 Ans: Kings Of The B’s, que de lectures en attente…
Est-ce que quelqu’un connaît un livre qui étudie les rapports entre le romanesque et la réalité historique dans le western, ça me passionne, ça m’étonne qu’un universitaire américain ne s’y soit pas penché!
amicalement
A Martin Brady : je vais poser la question. Il y a bien sur Leslie Fiedler dont les reflexions sont passionnantes (the Vanishing american bien qu’il parle surtout des mythologies americaines) Je crois que cela s’appelait le Retour du Peau Rouge
REPONSE DE DAVE KEHR : I don’t know of any specific book that compares the history of the west to western movies (such an undertaking would be herculean) but Richard Slotkin’s “Gunfighter Nation” is one widely read academic text that looks at how the “racialist” theories put forward by popular fiction were used to justify expansionism: http://www.amazon.com/Gunfighter-Nation-Frontier-Twentieth-Century-America/dp/0806130318. I interviewed him for the Clint Eastwood documentary and found him rather doctrinaire (and certainly no fan of Westerns).
dk
Etrange que vous aimiez tant les « Affameurs » qui me semble sombrer assez vite dans le décousu voire même dans le hors de propos, comme la présence inutile du personnage fadissime (en plus) de Rock Hudson.
A Minette
C’est votre avis mais ouh que je n’aime pas ces termes tant je trouve le film large, épique et rigoureux
Sur les « Affameurs », comme souvent, on n’est déçu que par les films qui donnent d’abord une bonne impression. Dans ce film qui souffle en son début un tel parfum d’aventure et un climat si prometteur, quelque chose se brise qui ne se répare jamais.L’ajout perplexogène de personnages sans utilité n’aide pas. Bien sûr (et pardon pour ce qui ressemble depuis longtemps à un lieu commun), s’il n’y avait pas Ford, qui évite si soigneusement ce genre de faute d’harmonie, les »Affameurs » passerait sans doute pour un chef-d’oeuvre…
Merci, Bertrand, pour avoir posé la question à Dave Kehr et à celui-ci pour avoir donné une réponse.
Je note les deux références.
Sans aller plus loin, lire l’Histoire Populaire des Etats-Unis de Zinn, donne envie d’un livre qui étudierait ces rapports fiction-réalité. N’oublions pas que le ciné us a souvent été un outil de propagande.
A Martin-Brady : on va toujours trouver une utilité à un personnage si on en cherche une. Le hic avec Rock Hudson ou la petite soeur blonde des « Affameurs », c’est que ça ne rentre pas dans la structure d’un projet clairement défini.Vous dites que c’est discret. ça serait une qualité si ça ne génait pas le fil logique de la narration.Ici, on nous fait croire que ce personnage va jouer un rôle important, ce que la suite contredit. Un autre exemple de ce film : la rédemption du héros autrefois badboy qui a failli être pendu. Voilà un beau fil à mettre en valeur. Pourtant, quand cette question revient ( comme un cheveu sur la soupe), le spectateur l’a forcément complétement oubliée . Dommage, car cet élément enrichissait le personnage de Stewart. Mais pardon, ce n’est qu’une sensation personnelle…
Bonjour, je viens de voir l’attaque de la malle-poste, que vous avez récemment commenté. Une fois le DVD lancé et après les premières notes du générique, j’ai été pris d’un léger trouble, pensant en fait visionner Yellow Sky, de Wellman. De fait, la musique de générique est la même. Elle est attribuée à Sol Kaplan pour le premier, et Alfred Newman pour le second. Plutôt étonnant, non ?
A Dupea
Alfred Newman était le directeur du département musique et il pouvait emprunter (à la demande d’un réalisateur ? d’un producteur ?) une musique appartenant à la Fox qu’il avait peut être orchestrée ou dirigée
Bonjour Bertrand,
Cela me fait très plaisir de découvrir ici le nom de John Guillermin. J’ai toujours pensé qu’il avait un vrai sens visuel, pas toujours épanoui hélas selon les productions, mais déjà perceptible dès la période anglaise, très méconnue. Tout à fait d’accord sur ce TARZAN. De plus, I WAS MONTY’S DOUBLE (CONTRE-ESPIONNAGE À GIBRALTAR), sur un sujet similaire à THE EAGLE HAS LANDED (L’AIGKE S’EST ENVOLÉ), est bien meilleur que le film de John Sturges. Et j’en profite pour dire tout le bien que je pense de THE BLUE MAX (LE CRÉPUSCULE DES AIGLES), un très bon film de guerre, cynique à souhaits et superbement filmé, (Douglas Slocombe à la photo tout de même…) avec l’excellent James Mason et dans lequel Peppard est pour une fois judicieusement utilisé. Même Ursula Andress est surprenante… c’est tout dire.
Bonjour Mr Tavernier
J’aimerais connaître votre avis au sujet d’un ouvrage sur le cinéma muet, ouvrage récemment édité me semble-t-il. Il s’agit de « La parade est passée » de Kevin Brownslow, paru aux éditions Actes Sud/Institut Lumière. Avez-vous lu cet ouvrage et le recommandez-vous?
A LUC
Bien sur que je le recommande; ET MÊME CHAlLEUREUSEMENT. C’EST NOUS, THIERRY FREMAUX ET MOI QUI L’AVONS FAIT TRADUIRE ET PUBLIER. CE FUT UN DE MES LIVRES DE CHEVET EN ANGLAIS. CELA DONNE DES MILLIERS D’INFORMATIONS.
Merci. Je l’ai commandé et ne tarderai pas à le lire. Et un grand merci aussi pour vos chroniques que je lis avec beaucoup d’intérêt.
Bonjour Bertrand,
je ne connais pas les films de John Guillermin que vous citez car difficilement visibles sur le satellite.
En revanche, je trouve que 3 de ses films américains des années 70 tiennent encore le coup :
– LA TOUR INFERNALE reste un modèle d’un sous-genre souvent mauvais, grâce à la psychologie des personnages qui n’est pas sacrifiée au détriment des effets spéciaux (remarquables pour l’époque)et au jeu des acteurs qui surclasse la simple figuration « guest star ». Comment oublier Fred Astaire si touchant, la mort insoutenable de Robert Wagner et de sa femme et le plaisir de voir enfin réunis Newman et McQueen.
– MORT SUR LE NIL me semble être une bonne adaptation de Agatha Christie dans un film qui là aussi prend le temps de présenter les personnages et les décors avant de nous propulser dans l’intrigue. Peter Ustinov campe un délicieux Hercule Poirot et la musique de Nino Rota (dont j’adore l’oeuvre immense) ajoute le trouble nécessaire à l’histoire.
– KING KONG : on a été trop injuste avec ce remake d’un film il est vrai légendaire. Comment tout homme normalement constitué peut-il rester insensible à la superbe beauté plastique de Jessica Lange dans son 1er rôle ? Certaines scènes avec Kong étaient particulièrement émouvantes et Jeff Bridges joue autrement mieux que Jack Black dans la version de Peter Jackson.
Voilà, ces 3 films ne sont sûrement pas d’un haut niveau cinématographique mais ils distillent un certain charme que les années n’ont pas altéré, preuve du professionnalisme de son réalisateur.
A Olivier Douarre, D’accord pour MORT SUR LE NIL. J’ajouterai PJ et voudrais voir THE RAPTURE
De Guillermin, il faut absolument voir The Rapture, film subtil, souvent émouvant, et quasiment dépourvu d’action. Preuve que le réalisateur était plus qu’un faiseur. Tous les acteurs (dont Melvyn Douglas et Dean Stockwell) y sont formidables , à commencer par Patricia Gozzi, étonnante dans un rôle de femme-enfant. La fin, d’une brutalité stupéfiante, est poignante.On pense à une certaine tradition du cinéma britannique, celle de The Innocents, en moins guindé, moins académique.Dans sa période américaine, je recommande El Condor, western méconnu produit par André De Toth, décontracté et savoureusement méchant.
Très beau film que ce Tiger Bay. Un cadre portuaire inhabituel pour un film noir, le mélange de thriller et de mélodrame est vraiment surprenant avec cette drôle de relation entre l’enfant et le meurtrier. Et Hayley Mills offre vraiment une des performance les plus soufflante vue pour un enfant acteur en jeune mythomane. Une des grandes réussites de l’inégal Jack Lee Thomson.
De John Guillermin, on peut citer les Canons de Batasi (Guns at Batasi, 1964)
A Maxou
Que j’ai deja vanté et qui est une réussite même si l’on peut discuter son idéologie
Commando sur Saint-Nazaire est un film réalisé par Compton Bennett en 1952 ; ce dernier est notamment le réalisateur d’un film qui je trouve n’a pas perdu son charme (sans doute du aux décors naturels et à ses deux acteurs que sont Stewart Granger et Deborah Kerr – sic) : Les mines du roi Salomon (rien à voir avec le navet de Richard Chamberlain et Sharon Stone).
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